Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/338

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pitamment dans les ordres qu’il donna à Trysail. Nous ne sommes point en position de jouer avec les jas ni les pattes ; que tout soit prêt à obéir au premier mot. Que les grappins soient préparés ; nous les jetterons à bord du contrebandier aussitôt que nous l’atteindrons, et nous le prendrons vivant. Une fois attaché à la chaîne, nous sommes encore assez forts pour l’attirer sous nos dalots, et le capturer avec les pompes. Le signal qui indique que nous avons besoin d’un pilote se voit-il toujours ?

— Nous le tenons au haut du mât ; mais le bateau qui nous atteindra par cette marée sera bien rapide. La Porte commence à cette courbure de terre qui est là-bas, capitaine Ludlow !

— Tenez-le toujours dans la même position ; ces coquins de paresseux sont quelquefois dans le Cove, de ce côté des rocs, et le hasard peut en jeter un près de nous, tandis que nous passons. Voyez aux ancres, Monsieur ; le vaisseau vogue à travers ce canal avec la rapidité d’un cheval de course qu’on fouette.

Les matelots s’occupèrent avec promptitude de ce devoir, tandis que le jeune commandant prit sa station à la poupe, tantôt examinant avec anxiété le cours de la marée, et la position des retours de courants, tantôt tournant ses regards vers le brigantin, dont on voyait les espars élevés et les blanches voiles à la distance de deux cents brasses, se détachant sur les arbres de l’île. Mais les milles et les minutes semblaient comme des pas et des secondes dans ce rapide courant. Trysail venait d’avertir que les ancres étaient prêtes, lorsque le vaisseau entra de front dans le Cove, où les vaisseaux cherchaient souvent un ancrage en attendant le moment favorable de passer la Porte. Ludlow vit du premier coup d’œil que ce lieu était entièrement vide. Pendant un instant il céda à la crainte d’une responsabilité qu’un marin redoute plus que toute autre, celle de se charger des devoirs d’un pilote, et il eut la pensée de chercher un ancrage dans le Cove. Mais un second regard sur les espars du brigantin le fit hésiter.

— Nous sommes près de la Porte ! Monsieur, cria Trysail d’une voix pleine de pressentiment.

— Ce hardi marin ne s’arrête pas.

— Le coquin fait voile sans la permission de la reine, capitaine Ludlow. On m’a dit que ce passage a été bien nommé.

— Je l’ai traversé et je garantis sa réputation… Il ne montre aucune intention de jeter l’ancre !