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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/342

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ressource que de continuer sa route ; car s’il eût jeté l’ancre, les bateaux auraient suffi pour le faire prisonnier. Lorsque les deux navires parurent à l’extrémité orientale de l’île, la Coquette était en avant, incident qui ne pouvait faire peine au contrebandier expérimenté. Il profita de cette circonstance pour suivre ses mouvements, et pour faire une entrée moins dangereuse dans les courants incertains. La Porte d’Enfer ne lui était connue que par l’effrayante réputation que lui faisaient les marins, et à moins de profiter de la présence du croiseur, il n’avait pas d’autre guide que ses connaissances générales du pouvoir de l’élément capricieux sur lequel il voguait.

Lorsque la Coquette eut viré de bord, le calme et vigilant Écumeur de mer se contenta de jeter ses voiles d’avant contre le mât. Depuis cet instant le brigantin resta flottant sur le courant, ne perdant pas un pied, et conservant toujours sa position à une distance convenable du croiseur, qui, grâce à son adresse, remplissait dans ce moment pour lui les fonctions d’une balise. On surveillait les voiles avec le plus grand soin, et le délicat bâtiment était si bien manœuvré, qu’il eût été possible à chaque instant à son équipage d’abréger sa course en tournant dans le courant. La Coquette fut suivie jusqu’au moment où elle jeta l’ancre, et l’ordre que l’équipage du croiseur avait reçu de tenir les grappins prêts, avait été donné parce que le brigantin allait, suivant toute apparence, s’approcher de ses flancs.

Au moment où l’on se disposait à jeter les grappins, le contrebandier était placé sur la poupe basse de son petit vaisseau, à cinquante pieds de celui qui avait donné l’ordre. Il y avait sur ses lèvres un sourire d’indifférence tandis qu’il agitait silencieusement sa main. Son équipage obéit à ce signal en brassant autour des vergues, et laissant remplir toutes les voiles ; le brigantin bondit en avant, et les grappins inutiles retombèrent pesamment dans l’eau.

— Je vous remercie de m’avoir servi de pilote, capitaine Ludlow ! s’écria le téméraire marin au châle des Indes, tandis que son vaisseau, poussé par le vent et le courant, s’éloignait rapidement du croiseur. Vous me trouverez près de Montauk, car des affaires nous retiennent encore sur la côte. Notre maîtresse a mis cependant son manteau bleu, et avant que le soleil se soit couché plusieurs fois, nous serons dans les eaux profondes. Prenez grand