Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/39

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regardèrent les uns les autres avec un air de surprise et d’admiration, puis ils portèrent la voile d’avant et mirent la barre sous le vent sans faire une invasion dans le giron de l’alderman, et le bac resta stationnaire à peu de distance du port. Tandis que le nouveau passager se préparait à descendre dans une chaloupe, ceux qui suivaient tous ses mouvements eurent le temps d’examiner sa tournure et de former leurs différentes conjectures sur ce qu’il pouvait être.

Il est à peine nécessaire de dire que l’étranger était un fils de l’Océan. Il paraissait actif et vigoureux, et sa taille était de près de six pieds. Ses épaules étaient carrées, sa poitrine pleine et haute, ses membres ronds et musculeux ; toute la personne de cet inconnu indiquait que chez lui la force et l’activité étaient dans des proportions égales. Sa tête ronde, posée avec grâce, était couverte d’une masse de cheveux bruns qui commençaient déjà à grisonner. Son visage était celui d’un homme de trente ans, et digne de sa taille ; ses traits étaient beaux, hardis et bien dessinés ; ils exprimaient la témérité, un sang-froid parfait, quelque obstination, et un certain degré de mépris pour les autres, qu’il ne prenait pas toujours le soin de cacher. Son teint, d’un rouge brillant, était uniforme comme celui qu’une exposition constante au grand air donne à ceux dont la complexion est naturellement fraîche et vermeille.

Le costume de l’étranger était aussi remarquable que sa personne. Il portait une casaque de matelot, courte, serrant sa taille avec grâce, un petit bonnet très-bas donnant l’air un peu mauvais sujet, et des pantalons de matelot, le tout en toile à voile d’une blancheur admirable ; costume convenant parfaitement à la saison et au climat. Sa casaque n’avait point de boutons, ce qui excusait l’usage d’un riche châle des Indes entourant son corps et assujettissant ses vêtements. À travers l’ouverture de la veste on voyait une chemise d’une blancheur éclatante, dont le collet retombait sur une bandanna aux couleurs vives, qui était nouée négligemment autour de son cou. Cette bandanna était d’une manufacture alors peu connue en Europe, et son usage était presque entièrement réservé aux marins. Une de ses extrémités voltigeait au gré du vent, mais l’autre était attirée avec soin vers la poitrine, et par le moyen d’un petit couteau à manche d’ivoire unissait la soie au linge, espèce d’épingle qui est encore en usage aujourd’hui parmi