Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/397

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mais comme les voiles de hune de la Coquette étaient toujours en arrière, le bâtiment ne trouvant plus d’entraves commença à se séparer lentement des espars flottants, quoique les mâts chancelants et à demi brûlés menaçassent à chaque instant de crouler.

Jamais instants ne parurent aussi longs que ceux qui suivirent.

L’Écumeur et Ludlow surveillaient en silence les mouvements du vaisseau. Peu à peu il recula, et au bout de dix minutes les marins, dont l’anxiété avait augmenté en même temps que leurs efforts devenaient moins nécessaires, commencèrent à respirer plus librement. Ils étaient encore bien près du dangereux bâtiment, mais ils ne couraient plus d’aussi grands risques d’être engloutis au moment de l’explosion. Les flammes commençaient à monter, et le ciel paraissait tout en feu, tandis que les voiles brûlaient agitées par la brise.

La poupe du vaisseau était encore entière, et le corps du contre-maître était toujours assis contre le mât de misaine. Le visage sévère du vieux marin se faisait voir distinctement à la lueur de l’incendie. Ludlow le contemplait d’un air triste, et pendant un instant il cessa de penser à son vaisseau ; sa mémoire lui rappelait les scènes de sa première jeunesse, et les plaisirs de sa profession auxquels son ancien compagnon avait si largement participé. Le bruit d’un canon dont la flamme lui effleura presque le visage, et le sifflement d’un boulet qui passa par-dessus le radeau, n’eurent pas le pouvoir de l’arracher à sa rêverie.

— Appuyez-vous ferme sur les coffres, dit l’Écumeur, faisant signe à ses compagnons de se placer de manière à servir de soutien aux plus faibles, tandis qu’il se plaçait lui-même de manière à jeter tout son poids contre son siège. Appuyez-vous ferme, et soyez prêts !

Ludlow se conforma à cette demande, quoique ses yeux changeassent à peine de direction. Il vit la flamme s’élever au-dessus d’une caisse et pensa que c’était le monument funéraire du jeune Dumont dont il enviait presque le sort. Puis ses regards se tournèrent de nouveau sur le visage morne de Trysail. Il semblait par instants que le cadavre parlait, et l’illusion devint si forte que le jeune commandant se pencha plus d’une fois en avant pour écouter. Cette illusion durait encore lorsque le corps de Trysail se leva les bras tendus vers le ciel. L’atmosphère était remplie