Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/407

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le bord du sud. Ce changement éteignit tout espoir de secours de la part du croiseur ennemi.

Peut-être, dans toutes les situations de la vie, il est nécessaire que l’espérance soit d’abord affaiblie par le désappointement, avant que la légèreté de l’esprit humain lui permette de descendre jusqu’au niveau de la mauvaise fortune. Jusqu’à ce qu’un effort trompé lui montre la difficulté de la tentative, celui qui est tombé peut espérer de se relever encore, et c’est seulement lorsqu’un effort a été fait avec des moyens affaiblis que nous sentons la valeur d’avantages dont jusqu’alors nous avions joui sans les estimer à leur juste valeur. Jusqu’au moment où la poupe de la frégate française passa du côté opposé au radeau, ceux qui étaient sur ce dernier n’avaient point encore senti toute l’horreur de leur situation. L’espérance était revenue avec le retour du jour, car tandis que les ombres de la nuit couvraient l’Océan, leur position avait ressemblé à celle d’un homme qui essaie de percer l’obscurité de l’avenir, afin d’obtenir un présage de meilleure fortune. Avec la lumière la frégate éloignée avait paru. À mesure que le jour avançait, le vaisseau s’était approché, puis avait abandonné sa recherche, puis avait disparu sans espoir de retour.

Les plus braves parmi ceux qui composaient le groupe commençaient à se décourager en songeant au sort affreux qui les menaçait et qui semblait inévitable.

— Voilà un mauvais augure ! murmura Ludlow en dirigeant l’œil de son compagnon sur les sombres nageoires de trois ou quatre requins qui paraissaient au-dessus de la surface de l’eau, et si près d’eux, que leur situation sur les bas espars par-dessus lesquels l’eau passait et repassait à chaque gonflement des vagues rendait ce voisinage doublement dangereux. — L’instinct de ces animaux détruit toutes nos espérances.

— Les marins croient en effet que ces animaux ont un instinct secret qui les dirige vers leur proie, répondit l’Écumeur ; mais la fortune peut être plus forte qu’eux. Rogerson, ajouta-t-il en appelant un de ses matelots, tes poches sont toujours pleines de tout l’attirail d’un pêcheur. As-tu sur toi une ligne et un harpon pour les animaux voraces ? La question se réduit à ce point que la plus simple philosophie est la plus sage. Manger ou être mangé, voilà cette question ; la plupart des hommes se décideront en faveur du premier point.

Rogerson présenta un harpon d’une grosseur suffisante, et au