Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/49

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chemin d’un croiseur au port plus facilement qu’un matelot d’une expérience de vingt ans, reprit l’étranger, sans donner le temps au bourgeois d’exprimer ses remerciements pour l’offre polie qui lui était faite. — Vous avez passé le détroit de Gibraltar, sans aucun doute, noble capitaine, puisque vous avez un si beau bâtiment sous vos ordres ?

— Le devoir m’a appelé dans les mers italiennes plus d’une fois, répondit Ludlow à demi disposé à se fâcher de cette familiarité, quoiqu’il désirât avec trop d’ardeur retenir la périagua près de lui, pour se quereller avec celui qui lui avait procuré ce plaisir inattendu.

— Alors vous savez que, bien que l’éventail d’une dame puisse faire avancer un vaisseau dans les détroits du sud, ce vaisseau a besoin d’une brise du levant pour en sortir : les banderoles de Sa Majesté sont longues, et quand elles sont passées autour du corps d’un étourdi de matelot, tout l’art de ce dernier ne peut pas l’en débarrasser. Il est à remarquer que plus il est bon marin, moins il a le pouvoir de défaire le nœud.

— Si les banderoles étaient si longues, elles pourraient atteindre plus loin que vous ne le voudriez ; mais un hardi volontaire n’a pas sujet de craindre la presse.

— Je crains que le hamac que je désire ne soit plein, dit l’étranger d’un air dédaigneux ; laissez tomber la voile d’avant, mon garçon, nous allons partir et laisser le pavillon de ce navire flotter sous notre vent. Adieu, brave capitaine ; quand vous aurez besoin d’un bon rameur, ou que vous rêverez de canons, de retraite et de voiles mouillées, pensez à celui qui est venu rendre visite à votre vaisseau, à son oisif amarrage.

Ludlow se mordit les lèvres, et quoique son beau visage se couvrît de rongeur, il rencontra le regard malin d’Alida et se mit à sourire. Mais celui qui venait de braver d’une façon si téméraire le ressentiment d’un homme aussi puissant que l’était le commandant d’un croiseur royal dans les colonies anglaises, parut comprendre tout le danger de sa situation. La périagua tourna sur sa quille, et l’instant d’après elle obéissait à la brise et s’avançait vers la terre à travers les vagues peu agitées. Au même instant, trois bateaux quittaient le croiseur. Un d’entre eux, où se trouvait évidemment le capitaine, s’avançait avec la dignité habituelle d’une barque qui conduit à terre un officier supérieur,