Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/57

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bruit de pas, nous sommes suivis, chassés devrais-je dire, pour parler le langage des marins ; maintenant il est temps de montrer à ce capitaine Ludlow comment un Français peut s’amuser à ses dépens sur la terre ferme. Reste un instant en arrière, et attire notre navigateur dans une fausse route ; lorsqu’il sera jeté dans une brume, reviens aussi vite que possible au chêne sur le cap où nous t’attendrons.

Flatté de cette commission, et persuadé qu’on allait contribuer au bonheur de celle pour laquelle il éprouvait un si vif attachement, le valet fit un signe de tête et ralentit son pas ; l’alderman doubla le sien, et en un instant, lui et ceux qui le suivaient tournèrent à gauche et furent bientôt hors de vue.

Bien qu’attaché à Alida, le bon François avait la plupart des habitudes d’un domestique d’Europe. Élevé dans toutes les ruses de sa profession, il était de cette école qui croit que la civilisation doit être mesurée à l’adresse, et que le succès perd de sa valeur lorsqu’il a été obtenu par la vulgaire combinaison de la sincérité et du bon sens. Il n’est donc pas étonnant que le vétéran entrât dans les vues de l’alderman avec plus de zèle que les gens de sa sorte n’en mettent ordinairement à remplir un devoir. Il entendait le craquement des branches mortes sous les pieds de celui qui les suivait, et, afin qu’il n’y eût aucune chance d’éviter l’entrevue, le valet commença à siffler un air français sur un ton si élevé, que les sons devaient en parvenir à toutes les oreilles du voisinage. Le bruit des pas s’approchait de plus en plus ; enfin le héros au châle des Indes s’élança à côté de François.

Le désappointement fut mutuel, et la surprise qu’éprouva le domestique déconcerta entièrement les plans qu’il avait arrangés pour détourner de la bonne route le commandant de la Coquette. Il n’en était pas ainsi du marin ; son sang-froid était toujours le même ; il est certain que des situations plus dangereuses que celles dans lesquelles nous l’avons présenté au lecteur n’auraient pas même pu mettre un frein à son audace.

— Quelles nouvelles dans votre croisière au milieu des bois, monsieur Large-Pavillon ? dit l’étranger aussitôt que son regard perçant se fut assuré qu’ils étaient seuls, voilà une navigation moins dangereuse pour un officier de votre eau que de courir au milieu de la baie dans une périagua. À quelle longitude ou en quel lieu avez-vous quitté votre société ?