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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/62

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grand-père ne vint dans cette province qu’à la restauration de Charles II ?

— Nous ne pouvons pas prétendre descendre des Provinces-Unies, du côté de nos parents, alderman van Beverout, mais, quelles qu’aient été les opinions politiques de mon grand-père, les miennes n’ont jamais été douteuses. Laissez-moi conjurer la belle Alida de prendre conseil des craintes qu’elle éprouve, j’en suis sûr, et de persuader à son oncle que la Coquette est plus sûre que sa périagua.

— On dit qu’il est plus facile d’entrer dans votre vaisseau que de le quitter, répondit Alida en riant. D’après certains rapports sur votre passage à l’île, votre Coquette, semblable aux autres, est avide de conquêtes. On n’est pas en sûreté sous une aussi maligne influence.

— Voilà une réputation qui lui a été faite par nos ennemis : J’avais espéré une réponse différente de la belle Alida.

Cette phrase fut terminée avec une expression qui causa une grande agitation dans le cœur de la jeune fille ; heureusement pour elle ses compagnons n’étaient pas doués du talent d’observation, autrement ils eussent pu concevoir le soupçon qu’il existait entre l’héritière et le jeune marin une intelligence plus intime qu’ils ne l’auraient souhaité.

— J’espérais une réponse différente de la belle Alida, répéta Ludlow d’une voix plus basse, et avec une expression plus tendre encore que la première fois.

Il se passait évidemment un combat dans l’esprit d’Alida. Elle se maîtrisa avant que son trouble pût être deviné, et se tournant vers François avec la grâce que savent mettre les femmes dans les plus petites choses :

— Rends-moi le livre que je t’ai donné, François, dit-elle.

— Le voici. Ah ! Mademoiselle, si vous aviez pu voir comme le marin voulait contester la gloire et les beaux vers de notre illustre Corneille.

— Voici un marin anglais qui, j’en suis sûre, ne contestera pas le mérite d’un écrivain justement admiré, quoiqu’il appartienne à une nation qu’on regarde en général comme hostile. — Capitaine Ludlow, voilà un mois que j’ai promis de vous donner un volume de Corneille, et je m’acquitte aujourd’hui de ma pro-