Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/66

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— Je ne vois rien de surprenant dans votre offre de conduire la jeune dame n’importa où ; mais votre générosité envers ses amis ne me semble pas aussi claire ; lorsque les jeunes gens parlent du cœur, leurs paroles ne sont pas prononcées à voix basse.

— Cela veut dire que vous avez écouté notre conversation. Je le crois, car voilà un ombrage qui a pu vous cacher ; il est possible, Monsieur, que vous ayez des yeux aussi bien que des oreilles.

— Je confesse que j’ai vu votre contenance changer comme un membre du parlement qui tourne une nouvelle feuille dans sa conscience au signal d’un ministre, tandis que vous teniez un petit chiffon de papier.

— Dont vous ne pouviez pas connaître le contenu.

— Je crois qu’il contenait quelques ordres secrets donnés par une dame qui est trop coquette elle-même pour accepter votre offre de faire voile sur un vaisseau qui porte le même nom.

— De par le ciel ! cet homme a raison dans son inexplicable impudence ! murmura Ludlow, marchant à grands pas sous l’ombrage du chêne. Le langage et les actions de cette jeune fille sont en contradiction, et je suis bien sot de me laisser jouer comme un enseigne qui vient de quitter le tablier de sa mère. Écoutez, maître… vous avez un nom, je suppose, comme tout autre vagabond de l’Océan ?

— Oui. Lorsqu’on hèle assez haut pour que je l’entende, je réponds au nom de Thomas Tiller.

— Eh bien ! maître Tiller, un si habile matelot devrait être bien aise de servir la reine.

— Si je ne devais mes services à un autre dont les droits viennent les premiers, rien ne pourrait m’être plus agréable que de tendre une main secourable à une dame en détresse.

— Et quel est celui qui peut réclamer un droit à vos services en concurrence avec la reine ? demanda Ludlow avec le ton que prend ordinairement un homme qui est habitué à envisager la royauté avec respect, lorsqu’il parle de ses privilèges.

— Moi-même. Quand nos affaires nous appelleront sur la même route, personne ne sera plus prompt que moi à tenir compagnie à Sa Majesté ; mais…

— C’est aller trop loin pour une plaisanterie, interrompit Ludlow. Vous savez, vaurien, que j’ai le droit d’exiger vos services