Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/71

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— Vous excitez la curiosité d’un matelot sur une matière qui a rapport à sa profession, reprit l’étranger, dont le visage exprimait le plus vif intérêt. Je suis arrivé depuis peu d’un océan lointain, et quoique bien des histoires des boucaniers des îles m’aient été racontées, je ne me rappelle pas avoir entendu parler de ce corsaire avant que son nom ait été prononcé devant moi par le maître de la périagua qui navigue entre ce port et la ville. Je ne suis pas tout à fait ce que je parais être, capitaine Ludlow ; et lorsqu’une plus longue connaissance et un service actif m’auront montré tel que je suis aux yeux de mon commandant, il ne se repentira pas peut-être d’avoir décidé un vrai matelot d’entrer sur son bâtiment par la condescendance et la bonté qu’il lui aura montrées lorsque cet homme était son maître. Votre Honneur ne s’offensera pas, j’espère, de ma hardiesse, si je lui dis que je désirerais en savoir davantage sur ce vaisseau marchand illégal.

Ludlow fixa ses yeux tranquilles et fermes sur le visage de son compagnon. Il y avait un soupçon vague dans ce regard ; mais il s’effaça en voyant l’assurance d’un homme qui lui promettait un matelot doué d’autant de courage que d’activité. Plutôt amusé qu’offensé de la liberté de cette requête, en descendant le promontoire pour se rendre au lieu où les bâtiments prenaient terre, il continua le dialogue :

— Vous venez en effet d’un océan lointain, dit le jeune capitaine de la Coquette, souriant comme un homme qui veut s’excuser à ses propres yeux d’une action qu’il ne croit pas convenable à sa dignité, si les exploits d’un brigantin appelé la Sorcière des Eaux, et de celui qui le commande sous le titre de l’Écumeur de mer, ne sont pas parvenus jusqu’à vos oreilles. Il y a maintenant cinq ans que les croiseurs des colonies ont reçu l’ordre d’être sur leurs gardes et de poursuivre le pirate ; cependant on assure que le hardi contrebandier a souvent bravé le pavillon des mers étroites. L’heureux officier qui pourrait attraper le coquin doit s’attendre au commandement d’un vaisseau plus considérable, sinon, à être fait chevalier.

— Il faut qu’il fasse un commerce bien avantageux pour courir de tels risques et braver de si habiles officiers ! Puis-je ajouter à cette présomption que Votre Honneur trouve sans doute déjà trop hardie, si j’en juge à son regard mécontent, et demander si l’on a des détails sur le visage et autres particularités de la per-