Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jouerait du plus sacré de tous les serments pour posséder votre fortune ?

— À qui suis-je destinée ? demanda Violetta.

— N’importe, puisque ce n’est pas à moi. À quelque spéculateur, à quelque ambitieux indigne de votre personne.

— Vous connaissez, Camillo, les usages de Venise, et vous devez savoir que je n’ai aucune espérance de leur échapper.

— Levez-vous, duc de Sainte-Agathe, dit le moine avec autorité. Lorsque je vous ai permis d’entrer dans ce palais, c’était pour éloigner un scandale de ses portes, et pour sauver votre audace de la colère du sénat. Il est dangereux d’encourager des espérances auxquelles la politique de la république s’oppose. Levez-vous donc, et respectez vos promesses.

— Cette jeune dame décidera. Encouragez-moi d’un regard, belle Violetta, et Venise, son inquisition et son doge ne seront pas capables de m’arracher de vos genoux.

— Camillo, répondit la jeune fille tremblante, vous, le sauveur de ma vie, vous n’avez pas besoin de vous agenouiller devant moi.

— Duc de Sainte-Agathe !… Ma fille !

— Ne l’écoutez pas, généreuse Violetta : c’est un langage de convention ; il parle comme on parle à son âge, lorsque la langue de l’homme dément les sentiments de sa jeunesse. C’est un carme, il doit feindre cette sévérité ; il ne connut jamais la tyrannie des passions. L’humidité de sa cellule a glacé son cœur. S’il était homme, il eût aimé ; et s’il avait jamais aimé, il ne serait pas aujourd’hui revêtu de cet habit.

Le père Anselme recula d’un pas, comme une personne à qui sa conscience fait un reproche. La pâleur de ses traits ascétiques prit la teinte de la mort. Ses lèvres remuèrent comme s’il eût voulu parler ; mais le son fut étouffé par l’oppression de sa poitrine. La douce Florinda vit sa détresse, et elle essaya de s’interposer entre l’impétueux jeune homme et son élève.

— Cela peut être comme vous le dites, signor Monforte ; et le sénat, dans ses soins paternels, cherche un époux digne de l’héritière d’une maison aussi illustre et aussi riche que celle de Tiepolo. Mais il n’y a rien en cela d’extraordinaire ; le sénat suit un usage établi. Les nobles de toute l’Italie ne cherchent-ils pas dans leur compagne une condition égale et les dons de la fortune, afin