Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/205

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ignorer tout, de peur qu’ils ne me fassent entourer d’une manière que je ne pourrais même soupçonner. — Croyez-vous, mon père, que ma présence ait ici échappé aux espions ?

— Ce serait hasarder beaucoup que de compter sur une entière sécurité. Je ne crois pas que personne nous ait vus entrer, car nous sommes venus par la porte secrète. Mais qui est certain de ne pas être observé, quand sur cinq hommes on peut redouter un espion soudoyé ?

Violetta effrayée appuya la main sur le bras de son amant.

— Même à présent, Camillo, lui dit-elle, tu peux être observé et ta perte peut être secrètement prononcée.

— Si l’on m’a vu, rien n’est moins douteux. Saint-Marc ne pardonnera jamais une opposition si hardie à son bon plaisir. Et cependant, chère Violetta, pour obtenir ton affection, ce risque n’est rien, et je consentirais à en courir de bien plus grands encore pour réussir dans mes projets.

— Ces jeunes gens sans expérience et trop confiants ont profité de mon absence pour parler plus librement que la discrétion ne le permettait, dit le carme du ton d’un homme qui prévoyait la réponse.

— Mon père, la nature ne peut être enchaînée par les faibles liens de la prudence.

Le front du moine se rembrunit. Ceux qui l’écoutaient cherchèrent à voir ce qui se passait dans son esprit d’après ce qui se peignait sur une physionomie en général si bienveillante, quoique toujours mélancolique. Pendant quelques instants chacun garda le silence.

Jetant un regard inquiet sur don Camillo, le carme lui demanda enfin :

— As-tu bien réfléchi sur les suites de ta témérité, mon fils ? Que te proposes-tu en bravant ainsi le courroux de la république, en défiant ses artifices, ses moyens secrets de tout savoir, et en méprisant la terreur qu’elle inspire ?

— Mon père, j’ai réfléchi comme on réfléchit à mon âge et quand on aime. Je me suis convaincu que tous les maux seraient un bonheur, comparés à la perte de Violetta, et qu’aucun risque ne doit effrayer quand on se promet pour récompense d’obtenir son affection. Telle est ma réponse à ta première question. Quant à la seconde, tout ce que je puis te dire, c’est que je suis trop