Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/306

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gèmes à déjouer les intrigues, les avait conduites dans un lieu de sûreté momentanée, et c’eût été perdre tout l’avantage de leur situation que de s’exposer sans les plus grandes précautions au risque de se montrer sur les canaux publics.

Enfin la gouvernante songea aux moyens de tirer parti des services de l’excellente créature qui leur avait déjà montré tant de compassion. Pendant les confidences que Violetta avait faites à la fille du geôlier, l’instinct féminin de donna Florinda l’avait mise en état de découvrir les secrets ressorts qui agissaient sur les sentiments ingénus de leur jeune hôtesse. Gelsomina avait écouté, avec une admiration qui lui permettait à peine de respirer, la manière dont le généreux don Camillo s’était précipité dans le canal pour sauver la vie de Violetta ; son visage avait été le miroir de ses pensées quand la fille de Tiepolo avait parlé de tous les dangers qu’il avait courus pour obtenir son amour ; et la femme tout entière s’était montrée dans ses traits quand la jeune épouse avait appuyé sur le saint caractère du nœud qui les unissait, nœud trop sacré pour être rompu par la politique du sénat.

— Si nous avions le moyen de faire connaître notre situation à don Camillo, dit donna Florinda, tout pourrait encore aller bien ; mais sans cela, à quoi nous servira l’heureux refuge que nous avons trouvé dans cette prison ?

— A-t-il donc un courage assez hardi pour braver ceux qui nous gouvernent ? demanda Gelsomina.

— Il appellerait les gens en qui il a confiance, et avant que le jour paraisse nous serions à l’abri du pouvoir du Conseil. Ces sénateurs intéressés regarderont les vœux prononcés par donna Violetta comme des serments d’enfant. Ils défieraient le courroux du Saint-Siège même, quand il est question de leur intérêt.

— Mais le sacrement de mariage n’est pas une institution humaine ; ils le respecteront du moins.

— N’en crois rien : nulle obligation n’est assez solennelle pour qu’ils la respectent quand elle contrarie leurs plans politiques. Que sont les désirs d’une jeune fille, qu’est-ce que le bonheur d’une femme isolée et sans protection, auprès du soin de leur fortune ? La jeunesse de Violetta leur offre une raison pour intervenir dans ses affaires, mais ce n’en est pas une pour que leurs cœurs soient émus par cette réflexion, que le malheur auquel ils voudraient la condamner n’en doit être que plus durable. Ils ne