Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/31

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il s’aperçut que la commission confidentielle de son maître allait être remplie par un autre. Descendant rapidement l’escalier secret, au lieu d’entrer dans le vestibule où se trouvaient six serviteurs de différents grades, il traversa un des étroits corridors du palais pour se rendre dans une cour intérieure, et de là, par une porte basse et peu fréquentée, il entra dans une allée obscure qui communiquait avec la rue la plus voisine.

Quoique notre siècle soit celui de l’activité et de l’intelligence, et que l’Atlantique ne soit plus une barrière même pour aller chercher les amusements les plus simples, il est peu d’Américains qui aient jamais eu l’occasion d’examiner personnellement les particularités remarquables d’un pays dans lequel la ville que Gino parcourait avec tant de diligence n’est pas un des objets les moins dignes d’observation.

Ceux qui ont été assez heureux pour visiter l’Italie nous excuseront sans doute si nous nous livrons à une description brève, mais que nous croyons utile pour les personnes qui n’ont pas eu cet avantage.

La ville de Venise est située sur un amas d’îles basses et sablonneuses. Il est probable que le pays qui se trouve le plus près du golfe, si ce n’est même toute cette immense plaine de la Lombardie, est un terrain d’alluvion. Quelle que puisse être l’origine de ce large et fertile royaume, les causes qui ont donné naissance aux lagunes, et à Venise ses fondements extraordinaires et pittoresques, sont trop apparentes pour être méconnues. Plusieurs torrens qui découlent des vallées des Alpes versent dans ce lieu leur tribut à l’Adriatique : leurs eaux viennent chargées de débris de montagnes pulvérisés. Débarrassées de la violence du courant, ces particules ont été nécessairement déposées dans le golfe, là où elles ont commencé à éprouver la résistance puissante de la mer. Agité par les courants, les contre-courants et les vagues, le sable s’est accumulé en monticules sous-marins jusqu’au-dessus de la surface de la mer, formant des îles dont l’élévation fut graduellement augmentée par la décadence de la végétation. Un coup d’œil sur la carte prouvera que le golfe de Venise est, sinon littéralement, au moins de fait, au fond de l’Adriatique, si l’on a égard aux effets produits par le vent du sud-est, appelé le Sirocco. Cette circonstance accidentelle est probablement la raison pour laquelle les lagunes ont un caractère plus prononcé à l’embou-