Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/334

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— Je ne l’ai pas oublié, répondit le Bravo, et j’ai conseillé au noble Calabrois de faire voile pour le port d’Ancône. Une fois dans les États de l’Église, l’influence de don Camillo et les droits de son épouse les protégeront. — Y a-t-il ici un endroit d’où nous puissions voir la mer ?

Gelsomina le fit entrer dans une chambre des combles qui commandait sur le pont, sur le Lido, et au loin sur l’Adriatique. Une forte brise, passant sur les toits des maisons, faisait plier légèrement les mâts des bâtiments dans le port, et agitait les lagunes au-delà de la foule des navires. Depuis ce point jusqu’à la barrière des sables, on voyait évidemment, au gonflement des voiles et aux efforts des gondoliers qui ramaient pour arriver sur le quai, que le vent était très-vif. Au-delà du Lido la mer était agitée, et plus loin encore les vagues étaient couronnées d’écume par la brise de terre.

— Santa Maria soit louée ! s’écria Jacopo quand il eut examiné toute la scène qui s’offrait à ses regards ; ils sont déjà bien loin de la côte, et avec un vent comme celui-ci ils ne peuvent manquer d’entrer dans le port au bout de quelques heures. — Allons au cachot.

Gelsomina sourit en entendant parler de la sûreté des fugitifs ; mais son regard s’attrista quand Jacopo changea de discours. Cependant elle fit sans répliquer ce qu’il désirait, et quelques minutes après ils étaient à côté du grabat du vieux prisonnier. Il ne parut pas s’apercevoir de leur arrivée, et Jacopo fut obligé de s’annoncer.

— Mon père, dit-il avec cet accent mélancolique naturel à sa voix quand il parlait au vieillard, c’est moi.

Le prisonnier se retourna, et quoique évidemment plus faible que lors de la dernière visite de son fils, un faible sourire se peignit sur ses traits flétris.

— Et ta mère ? demanda-t-il avec un empressement qui fit que Gelsomina se détourna à la hâte.

— Elle est heureuse, mon père, — heureuse.

— Heureuse sans moi ?

— Elle est toujours avec vous en esprit, elle pense à vous dans toutes ses prières. — Vous avez en ma mère une sainte qui intercède pour vous, mon père.

— Et ta bonne sœur ?