Le comte de Leiningen avait tressailli et même tremblé aux premiers mots de cette interruption ; mais, se détournant, il aperçut le front étroit, l’œil enfoncé et la taille courbée du frère Johan.
— Moines, je vous laisse, dit Emich d’une voix ferme ; il est convenable que vous priiez et que vous fréquentiez souvent ces sombres chapelles ; mais moi, je suis un soldat, et je ne puis pas perdre plus de temps sous ces voûtes. Adieu, père prieur, vous avez un gardien qui protégera les bons.
Avant que le prieur eût recouvré la voix, car lui aussi avait été saisi de surprise, le comte montait d’un pas pesant les degrés de marbre, et l’on entendit bientôt les éperons de ses bottes résonner sur le pavé de l’église supérieure.
CHAPITRE X.
- Armando.
out convaincu que nous sommes des effrayantes infirmités
qui accablent la nature humaine, il n’y a pas d’âme assez basse
pour se refuser à reconnaître qu’il y a en nous les germes de ce
principe religieux qui nous attache à notre divin créateur. La vertu
commande le respect à l’homme, quelles que soient sa position
sociale ou ses facultés intellectuelles, et celui qui pratique ses
préceptes est certain du respect de ses contemporains, quoiqu’il
ne le soit pas toujours de leur appui.
Tandis que le comte de Leiningen traversait la vaste et riche nef de l’église de l’abbaye, son esprit balançait entre les impressions produites par le prieur, et ses intentions ambitieuses et secrètes ; il ressemblait à un homme qui écoute à la fois les conseils d’un bon et ceux d’un mauvais génie ; celui-là l’exhortant à l’oubli et à la miséricorde, celui-ci le portant à la violence par les arguments ordinaires de la flatterie et de l’espérance. Tandis qu’il réfléchissait aux exactions de la communauté, fondées sur une supériorité légale, et qui étaient à la fois intolérables pour son pou-