Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/147

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— J’y suis né et j’y ai été nourri, saint abbé. Nous sommes depuis longtemps établis dans la vallée, et peu de familles sont plus renommées pour leur adresse à élever des abeilles, ou pour conduire habilement un troupeau, que celle dont je suis sorti, tout humble que je puisse paraître à Votre Révérence.

— Je crois qu’il y a autant de faux-semblant que de réalité dans cette mauvaise opinion que tu as de toi-même. Mais tu as eu une explication avec le frère Siegfried, et nous comptons sur tes services. Tu connais le pouvoir de l’Église, mon fils, et tu ne peux ignorer qu’elle est disposée à agir miséricordieusement envers ceux qui lui rendent hommage ; tu as entendu aussi parler de ses châtiments lorsqu’elle est justement en courroux. Nous sommes disposés à augmenter de douceur avec ceux qui ne s’écarteront pas du troupeau, dans ce moment où le démon tente les ignorants et les malheureux.

— Malgré tout ce que vous dites, révérend abbé, relativement au peu que j’ai glané dans le chemin de l’éducation, j’ai trop peu d’esprit pour comprendre autre chose que ce qui est dit clairement. En ce qui a rapport à un marché, il faudrait parler franchement des conditions, de crainte qu’un pauvre jeune homme, quoique bien intentionné, se trouvât damné simplement parce qu’il ne comprenait pas le latin, ou qu’il n’avait pas compris clairement ce qui n’avait pas été clairement expliqué.

— Je ne veux pas dire autre chose, sinon qu’on se souviendra de ta pieuse conduite à l’autel et au confessionnal, et que des indulgences et d’autres faveurs ne seront point oubliées lorsqu’il sera question de toi.

— Cela est excellent, saint abbé, pour ceux qui peuvent en profiter. Mais, que saint Benoît nous protége, de quel secours cela nous serait-il, dans le cas où le seigneur Emich menacerait ses gens de coups ou de la prison, s’ils osaient fréquenter les autels de Limbourg, ou avoir d’autres rapports avec la révérende confrérie ?

— Crois-tu que nos prières et notre autorité ne peuvent pas pénétrer dans les murailles d’Hartenbourg ?

— Je n’en puis rien dire, puissant abbé, puisque je n’en ai pas encore fait expérience. Le donjon d’Hartenbourg et moi ne sommes pas étrangers l’un à l’autre, et, pour vous dire ma façon de penser, saint Benoît lui-même aurait beaucoup de peine à en