Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/169

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m’appellera jamais son père, avec votre permission, noble comte de Leiningen !

— Cela serait, en effet, un empêchement. Laissons Conrad de côté, j’en connais d’autres qui seraient dignes de ton alliance. Ainsi, que ton cœur maternel se calme, bonne Ulrike ; confie-toi à mon active amitié pour disposer de ta fille.

La compagne du bourgmestre avait écouté avec patience cette digression courte, mais caractéristique. Élevée dans les opinions de son siècle, elle ne souffrit pas tout ce qu’une mère et une femme d’une sensibilités égale à la sienne, souffrirait de nos jours en entendant avilir son sexe à ce point ; mais comme les lois de la nature sont toujours les mêmes, ses sentiments les plus tendres furent blessés par les différents expédients qui furent si brusquement proposés pour l’avenir de celle qui formait son principal bonheur dans cette vie. Ses yeux, que la nature avait faits plus mélancoliques que brillants, mais auxquels une fièvre lente et continue donnait presque toujours un vif éclat, se voilèrent, et sa voix était plus remplie d’émotion lorsqu’elle continua :

— Je remercie encore le comte d’Hartenbourg, dit-elle, du secours qu’il veut me prêter ; mais un pouvoir plus fort que les conseils de l’expérience agit sur les jeunes gens. Mon intention, en me présentant, au risque d’interrompre votre conférence secrète, était de vous dire que Meta a écouté la voix de son cœur, plutôt que les usages de la classe où elle est née, et qu’elle a fait un choix.

Le comte et Heinrich Frey regardèrent Ulrike dans une muette surprise, car ni l’un ni l’autre ne comprenait entièrement ce qu’elle disait ; tandis que la femme du bourgmestre, dont le but était accompli en faisant cette déclaration dont elle s’effrayait depuis si longtemps, et l’ayant faite, disons-nous, en présence d’une personne capable de réprimer la colère de son mari, restait silencieuse, tremblant pour les conséquences.

— Peux-tu m’expliquer ce que veut dire ta digne compagne, Heinrich ? demanda brusquement le comte.

Zum Henker ! vous me demandez de remplir une mission, seigneur comte, qui conviendrait mieux à un bénédictin ou à un clerc. Lorsque Ulrike, qui est une excellente et obéissante compagne dans le cours de la vie, entre dans les régions imaginaires,