Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/172

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pénétrants ; mais peu de personnes sont capables de comprendre les tourments secrets d’une femme vertueuse, unie à un homme qu’elle ne peut aimer, et habituée à la contrainte. Il n’y a peut-être rien de plus facile à deviner dans la nature humaine qu’une femme belle, mondaine et capricieuse. Elle parcourt sa courte carrière aussi irrégulièrement en apparence qu’une comète, bien qu’en effet sa course soit toujours calculée sur le principe infaillible de la vanité et de l’égoïsme ; mais aucun secret n’est mieux défendu contre une curiosité impertinente et vulgaire, que les sentiments élevés qui soutiennent la femme souffrante et silencieuse, qui a réellement l’instinct des hautes qualités de son sexe.

Nous ne raillons point sur la domination de l’homme, car nous sommes persuadé que celui qui voudrait transformer celle qui fut créée pour être sa consolation et sa compagne, son guide dans ses doutes, celle qui partage sa joie et son chagrin, en un compétiteur, remplaçant ainsi l’amour et la confiance par la rivalité et la discussion, aurait une pauvre idée des lois sublimes de la nature, qui a séparé ainsi les créatures les plus nobles en deux grandes classes, si riches en consolations mutuelles et en bonheur.

Si la femme du bourgmestre s’était levée, et en termes choisis eût fait un appel à la sensibilité de ses auditeurs, en mêlant à ce langage des manières propres à produire de l’effet, elle aurait pu être comprise, comme les lecteurs ordinaires comprennent chaque jour le portrait qu’on trace des femmes ; mais assise, souffrante, silencieuse, le fond de son âme resta inconnu aux deux personnages qui étaient auprès d’elle. Son œil ne s’enflamma pas, car une longue et patiente subordination lui avait appris à se soumettre aux méprises de son mari ; les faibles couleurs de ses joues ne prirent pas une teinte plus vive, car le poids qui était sur son cœur contrariait les impulsions naturelles de la fierté et du ressentiment.

— Je pense, seigneur comte, que lorsqu’une femme jeune et innocente cède au pouvoir que la nature a peut-être fait irrésistible, dit-elle, elle mérite au moins d’être traitée avec tendresse. Meta a peu de caprices comme ceux dont vous faites mention ; et l’attachement qu’elle ressent, quoiqu’il soit sans doute augmenté par cette sensibilité que les êtres qui ont le moins d’expérience des réalités de la vie sont le plus capables d’éprouver, n’est