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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/179

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calme d’une femme qui n’avait jamais pris d’intérêt au refus auquel elle faisait allusion, et avec la dignité d’une épouse qui sent ce qu’elle doit à son mari. Par une faveur du ciel, nous sommes tous les deux plus heureux que si nous nous étions mariés par amour ; mais si vous pûtes refuser le bonheur, car, dans votre jeune imagination, vous regardiez ma main comme le gage d’un heureux avenir, pour obéir à votre père terrestre, pourrez-vous défier celui qui est dans le ciel, pour satisfaire un désir moins excusable ?

— Continuez, Ulrike, vous me pressez jusque dans mes derniers retranchements ; je ne sais pas même si j’ai jamais médité l’entreprise à laquelle vous faites allusion.

— Ou, dans un autre langage, vous n’êtes pas encore décidé à commettre le sacrilège. Avant que votre bras frappe un coup irréparable, seigneur comte, écoutez une femme que vous avez aimée dans votre jeunesse, et qui se rappelle encore cette préférence avec un sentiment de gratitude.

— Vous êtes plus indulgente, comme femme, que vous ne l’étiez comme fille ; voici le premier mot de pitié qui vous soit échappé pour tous les chagrins que vous m’avez causés autrefois.

— Pitié est un terme qu’il conviendrait mal à Ulrike Haitzinger d’employer en s’adressant au comte de Leiningen. J’ai dit gratitude, monseigneur ; car la femme qui prétendrait ne point éprouver ce sentiment pour l’honorable jeune homme qui l’a préférée à toutes les autres femmes de son sexe, ne se rendrait pas justice à elle-même. Je n’ai jamais nié que vos hommages ne m’aient causé à la fois de la satisfaction et du chagrin ; de la satisfaction en pensant qu’une personne de votre rang croyait trouver en moi de quoi justifier son choix ; du chagrin, parce que vous deviez nécessairement être désappointé.

— Et si nos naissances avaient été égales, douce Ulrike ; si vous étiez, comme moi, sortie d’une noble souche, ou si, comme vous, j’étais né dans une plus humble sphère, auriez-vous trouvé dans votre cœur l’excuse d’une réponse différente ?

— Nous sommes ici pour nous entretenir sur d’autres sujets, seigneur d’Hartenbourg, et non pas pour nous livrer à ces vains souvenirs d’enfance.

— Dieu de ma vie ! appelez-vous les douleurs d’une affection trompée un vain souvenir d’enfance ! Vous avez été froide toute