Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— J’ai l’intention de faire quelque chose pour lui. Si Heinrich prend une ferme résolution, et si je puis compter sur le soutien des habitants de la ville, ces réprouvés en froc seront promptement dépossédés des biens qui m’appartiennent. Comme mes revenus seront augmentés, j’accorderai à Berchthold l’autorité d’un délégué sur les champs et les villages qui me reviendront ; ce sera une place honorable, qui vaincrait la répugnance du bourgmestre le plus difficile de l’Allemagne.

— Et de quelle manière puis-je vous être utile dans ce projet ?

— Comment, avec tout votre esprit, pouvez-vous faire cette question ? Vous êtes depuis longtemps mariée, Ulrike, et vous êtes habile dans l’art de persuader. Je ne sais pas quel moyen vous employez avec Heinrich, mais lorsque Hermengarde désire quelque chose qui n’est point en rapport avec mes goûts, elle a diverses manières de se faire accorder ce qu’elle souhaite ; aujourd’hui elle sourit, demain elle est silencieuse, elle paraît enjouée ou devient mélancolique, et par-dessus tout, elle est habile à saisir mes moments de faiblesse pour attaquer à l’improviste ma raison par des arguments de baisers et de coquetterie.

— Il serait inutile de dire que je ne vous comprends pas, seigneur d’Hartenbourg, je ne désire pas soulever le voile de votre intérieur domestique ; mais je ne suis pas disposée à permettre que personne en fasse autant chez moi. Heinrich et moi nous suivons chacun notre route comme nous le jugeons convenable, et, je l’espère, toujours avec l’harmonie nécessaire à des intérêts communs. Je suis peu habituée à l’influence à laquelle vous faites allusion ; mais quelque chère que Meta soit à mon cœur, et certainement il n’y a pas d’enfant qui donne plus d’espérance et justifie davantage la tendresse de ses parents (en prononçant ces mots Ulrike croisa ses bras et leva ses beaux yeux vers le ciel) ; quoique j’estime le jeune Berchthold, qui est le fils de ma plus ancienne amie, et que je fusse joyeuse d’unir leurs jeunes cœurs à jamais par l’amour et le mariage, et de voir leurs enfants riant sur mes genoux, donnant au soir de ma vie un bonheur qui compenserait les chagrins de mon âge mûr ; — plutôt que de vous aider dans vos coupables desseins de rébellion contre les autels de mon Dieu, — plutôt que d’opposer mon égoïsme à son pouvoir redouté, ou d’imaginer qu’un souhait de ma part pût excuser un sacrilège, — je conduirais ma fille au tombeau d’un œil sec, et