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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/238

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per longtemps au châtiment. Peu importe où le crime de lèse vérité ait été commis, — sur le trône, dans le cabinet, au sénat, ou par la presse ; — la société ne manque jamais de se venger des déceptions dont elle a été dupe, et les jugements qu’elle prononce sont enregistrés par cette opinion qui dure longtemps après que le triomphe éphémère de l’erreur est oublié. Il serait bon que ceux qui, dans leur stupide imprévoyance, abusent de leur position pour obtenir dans le moment l’objet qu’ils ont en vue, se rappelassent plus souvent cette vérité, car ils s’épargneraient la mortification, et quelquefois même l’infamie qui ne manque jamais de s’attacher à celui qui viole la justice pour arriver à son but.

Heinrich Frey avait de très-grands doutes sur la légalité de l’entreprise qu’il dirigeait ; car s’il partageait avec ses compagnons la responsabilité de l’exécution, il avait de plus qu’eux celle du conseil. Aussi se creusait-il la tête pour trouver des raisons péremptoires à sa conduite, et, tout en traversant la prairie, ayant Berchthold et le forgeron à ses côtés, sa langue révéla les pensées qui l’agitaient.

— Il ne saurait y avoir l’ombre d’un doute sur la nécessité et la justice de notre entreprise, maître Hintermayer, dit-il, car, dans toutes les questions douteuses, la confiance avec laquelle on affirme est presque toujours en raison inverse de celle que l’on a dans la justice de sa cause. — Autrement, pourquoi serions-nous ici ? Limbourg pourra-t-il porter éternellement le trouble dans la vallée et dans la plaine, avec son avarice et ses exactions maudites, ou bien sommes-nous des esclaves que ces moines tonsurés puissent fouler aux pieds ?

— Certes, ce ne sont pas les raisons qui nous manquent, digne bourgmestre, répondit Berchthold dont l’esprit s’était laissé séduire par la grande innovation religieuse qui faisait alors de rapides progrès. Quand nous n’avons qu’à choisir, ne nous embarrassons pas du reste.

— Jeune homme, je suis sûr que l’honnête forgeron que voilà vous dira que le clou qu’il met dans le sabot d’un cheval ne peut jamais être trop solidement enfoncé.

— C’est un fait indubitable, maître Berchthold, répondit Dietrich, et ainsi donc mon bourgmestre a raison dans tous ses arguments.