Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/274

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ment selon les circonstances, quoique peut-être, dans aucun état d’ignorance ou de dégradation, elle n’abandonne jamais entièrement le poste qui lui a été confié, ne manque point de réveiller les remords avec le sentiment de la faute. En vain voudrait-on prétendre que ce sentiment inné de la vérité, que nous appelons conscience, est uniquement le résultat de l’opinion et de l’habitude ; ne le trouvons-nous pas chez l’enfant simple et ingénu, aussi bien, souvent même d’une manière plus apparente que chez l’homme qui a le plus d’expérience ? Et d’ailleurs, la nature a imprimé trop clairement sa marque sur toutes les merveilles qu’il opère, pour qu’il soit possible de douter de son identité avec l’être redoutable qui forme la partie incorporelle de notre existence. Comme tout ce qui est bien, ce sentiment peut s’altérer ou s’affaiblir ; mais, comme tout ce qui provient de la même source, il conserve, même au milieu de ces changements funestes, des traces de sa divine origine. C’est un précieux reste de cette haute condition d’où notre race est déchue, et il nous semble incontestable que les hommes se rapprochent ou s’éloignent de leur état primitif d’innocence, selon qu’ils en éprouvent ou qu’ils en reconnaissent plus ou moins l’influence.

La destruction de l’abbaye fut suivie des résultats ordinaires qu’entraînent tous les actes de violence, lorsque le premier moment d’effervescence est passé. Ceux même qui s’étaient montrés les plus actifs à frapper ce coup longtemps médité, commencèrent à en redouter les conséquences ; et, dans tout le Palatinat, il se répandait une sorte de stupeur au récit d’un pareil attentat, comme si l’on s’attendait à voir éclater bientôt la vengeance du ciel. Mais, afin de ne pas interrompre le fil de notre récit, nous allons reprendre par ordre chaque événement, en nous transportant seulement quelques jours après la nuit de l’incendie.

Le lecteur devra se représenter le Jaegerthal sous un autre aspect : c’était le même soleil avec son doux éclat, la même saison avec sa riante fertilité ; la forêt était aussi verdoyante, les prairies aussi unies, les ruisseaux aussi limpides ; les mêmes accidents variés d’ombre et de lumière se jouaient sur les collines, que le premier jour il s’est montré à ses regards. Tout était paisible dans les hameaux ou le long des chemins fréquentés ; et le château d’Hartenbourg élevait toujours son front sombre et menaçant au milieu des montagnes, empreint de je ne sais quel caractère de