Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/278

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velles propositions des moines ; mais, en attendant l’arrivée de leur agent, nous pouvons charmer le temps en nous communiquant les réflexions que les circonstances peuvent nous suggérer. Voyons, ami Wolfgang, avez-vous quelque proposition à faire qui soit de nature à rassurer les cœurs timides ? — Parlez, au nom du ciel ! que nous sachions tout de suite à quoi nous en tenir !

Il n’existait d’autres rapports entre Wolfgang et Heinrich qu’en ce qu’ils remplissaient également des fonctions civiques. Le premier, tout en appréciant les avantages qui devaient résulter de la destruction de Limbourg, avait une déférence innée pour tout pouvoir supérieur ; et à la joie du triomphe se mêlaient chez lui de tristes pressentiments sur les suites probables du mécontentement de l’électeur et de la cour de Rome. Il était aussi d’un âge avancé, circonstance qui augmentait encore sa dose naturelle de prudence et de circonspection.

— Il est sage de demander conseil aux vieillards dans les occasions critiques, répondit le vieux bourgeois ; car l’âge nous apprend la vanité de toutes les choses humaines, nous conseille la modération, un plus grand détachement de nos intérêts, et…

— Comment donc ? ami Wolfgang, interrompit Heinrich, qui n’aimait pas à voir peindre l’avenir en noir, — vous êtes loin d’être sur le retour, comme vous voudriez nous le faire croire. En vérité, vous n’êtes qu’un enfant. Quelle différence peut-il y avoir entre nous ? quelque vingt-cinq ans, tout au plus.

— Pas cela ! pas cela !… Je n’ai que soixante-treize ans, et vous en avez bien cinquante-cinq.

— Vous me faites un honneur que je ne mérite pas, ami Wolfgang. Il s’en faut de plusieurs mois que j’aie atteint l’âge que vous dites, et le temps marche assez vite sans que nous le devancions. Si j’ai plus de cinquante-quatre ans, je consens à ce que mes pères sortent de leurs tombeaux pour reprendre le peu qu’ils m’ont laissé en prenant congé de la terre !

— Des paroles ne nous rendront plus jeunes ni l’un ni l’autre ; mais je voudrais que nous eussions trouvé quelque moyen de réprimer cet esprit turbulent de Limbourg avec moins de violence et surtout moins de danger pour nous-mêmes. Je suis âgé, et je prends peu d’intérêt à la vie, si ce n’est pour voir heureux et tranquilles ceux qui resteront après moi. Vous savez que je ne suis ni un enfant ni une poule mouillée, voisin Heinrich ; et si