Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/310

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tacle excite ordinairement dans de jeunes cœurs ; et l’azur même du firmament, qui semblait inviter à une existence plus tranquille, frappait vaguement ses yeux, sans faire diversion à son abattement.

— Ah ! c’est fait de moi ! continua Ilse, dont les sentiments se concentraient généralement sur elle-même, et dont la langue restait rarement en repos ; — c’est fait de moi, Meta ! Oh ! quel méchant monde que celui qui a besoin de tous ces pèlerinages et de toutes ces flammes dévorantes ! Mais après tout, mon enfant, ce ne sont que des types du passé et du futur. D’abord, la vie est un pèlerinage et une pénitence ; sans doute, il en est bien peu parmi nous qui pensent ainsi en la parcourant ; mais ce que je dis n’en est pas moins vrai ; oui, c’est une pénitence, déguisée sous la forme de peines et d’infirmités de toute espèce, surtout dans la vieillesse ; aussi je la supporte avec joie, comme il faut supporter toutes les pénitences. — Et les flammes des couvents et des villages sont l’emblème de celles qui dévoreront les méchants. Tu ne réponds rien, mon enfant ?

— Pensez-vous, nourrice, que ceux qui meurent par le feu soient bénis ?

— De quoi vas-tu parler, Meta ! — Le pauvre Berchthold Hintermayer est mort, tu le sais, dans l’incendie de Limbourg ; il en est de même du père Johan, ainsi que d’une autre personne bien pire que tous deux ! — Oh ! que de secrets je pourrais révéler, si la prudence n’enchaînait ma langue ! — Mais la sagesse consiste dans la prudence ; aussi ne dis-je rien. Fais comme moi, Meta.

— Je vous obéirai, nourrice.

La voix de la jeune fille était tremblante, et le sourire dont elle accompagna sa réponse ressemblait à celui que le pauvre malade adresse à sa garde attentive.

— Tu es bien soumise, et c’est un mérite. Je ne t’ai jamais vue plus obéissante, ni moins portée aux folles joies et aux bruyantes exclamations de ton âge, que pendant ce pèlerinage ; ce qui prouve que ton esprit est dans la situation la plus heureuse pour accomplir les saintes cérémonies qui nous sont prescrites. — Ah ! le pieux Arnolph s’est arrêté, et nous allons enfin recueillir le fruit de toutes nos peines. Si j’avais été moine, tu aurais eu un chef !

Ilse frappa les flancs du patient animal qu’elle montait, et Meta