Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/312

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qu’au simple hasard que nous devons le plaisir de votre agréable société ?

Albrecht de Viederbach se mit à rire en dévoilant cette ruse d’Emich ; et son compagnon, qui s’était aperçu depuis longtemps que son hôte l’avait pris complètement pour dupe, puisque, par le fait, il n’avait rien su d’avance de l’attaque projetée, chercha à tirer le meilleur parti possible de sa position. Il rit à son tour, car les gens sans principes sont toujours prêts à plaisanter de toutes les mésaventures que peut leur attirer leur dépravation ; et ce fut en se harcelant l’un l’autre sur le rôle qu’ils avaient joué dans les derniers événements, qu’ils arrivèrent sans se presser à l’endroit où le prieur et Emich, comme chefs de la troupe, venaient de faire halte. Nous profiterons de cette pause pour donner quelques explications indispensables.

Nous sommes trop habitués, dans ce pays protestant, à croire que la piété de ceux qui professent la religion romaine consiste en grande partie dans des démonstrations extérieures. Si l’on se rappelait la grande antiquité de cette Églises, et la tendance générale des esprits, dans les premiers siècles, à imiter les usages et les formes précédemment établis, on ne serait pas surpris qu’elle eût conservé quelques cérémonies dont l’établissement ne paraît guère pouvoir s’appuyer ni sur l’autorité apostolique, ni sur la raison. La promulgation de la vérité abstraite n’entraîne pas nécessairement le renoncement à des pratiques que l’habitude a rendues précieuses, quand même elles ne pourraient être d’un grand secours pour assurer son triomphe. Beaucoup de cérémonies qui sont en usage dans les temples protestants nous viennent des prêtres païens, et il n’y a pas de motif suffisant pour les abandonner, tant qu’elles ajoutent à la pompe du culte sans en affaiblir l’efficacité. Il est probable que les païens eux-mêmes avaient emprunté quelques-unes de ces pratiques à ceux qui, comme notre foi nous enseigne à le croire, avaient des communications directes avec le ciel, et qui devaient le mieux savoir sous quelle forme l’adoration humaine était le plus agréable au maître de l’univers.

Ici[1] le catholicisme, dans son acception restreinte, n’est plus catholique[2], puisque c’est la religion d’une minorité si faible qu’il

  1. L’auteur parle de l’Amérique, son pays.
  2. Il n’est peut-être pas inutile de dire à ceux de nos lecteurs qui ne savent pas le grec et qui ont oublié leur catéchisme, que catholique veut dire universel.