Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/331

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cela signifie pour les musulmans, pour les adorateurs du feu, les Indous, les païens, et toutes les autres croyances ? Chacune de ces sectes est aussi empressée de corriger l’erreur par sa discipline particulière que nous autres par celle de l’église romaine. Jusques aujourd’hui certainement ce malheur n’est pas arrivé souvent parmi les chrétiens, quoique sans doute nous ne soyons pas sans avoir nos dissentiments. Mais, grâces à l’invention de l’imprimerie et à la variété d’opinions qui en est le fruit, je prévois que nous aurons une lutte de doctrines, et toutes seront pesées et raisonnées de manière à prouver la vérité ou à exclure l’erreur. Cette prétention à une haute autorité et à une grande sévérité pour maintenir la pureté de la doctrine et ce que nous jugeons être la vérité, est tout juste ce que les jurisconsultes appellent quoad hoc ; mais relativement à la question générale, je ne vois pas quelle est sa vertu. Maintenant que les hommes s’engagent avec passion dans des discussions semblables, nous verrons diverses modifications dans l’Église, et toutes seront présentées comme offrant plus ou moins d’appui et de préservatifs à la vérité ; mais lorsque le temps viendra que les contrées et les communions seront divisées par ces subtilités, excellent Rudiger, nous pouvons craindre de renfermer dans nos établissements, grâces à nos lois, autant d’erreurs que nous en exclurons. Je pense que le ciel est un but qui ne peut être atteint que par une médiation générale, laissant à chacun la liberté de donner crédit aux moindres points de doctrine suivant ses habitudes et son intelligence.

— Ce langage convient mieux à un abbé sans abbaye qu’à celui qui était dernièrement à la tête d’une communauté soumise et florissante ! répondit Rudiger d’un ton un peu piqué.

Boniface ne fut point ému de cette allusion ; il regarda froidement son compagnon, et comme un homme qui connaissait trop bien sa supériorité pour s’offenser facilement ; toutefois, malgré cette modération apparente, il eût récriminé, si le père Arnolph, après avoir ouvert la porte, ne fût entré dans l’appartement.

La manière dont les deux abbés mitrés reçurent le prieur prouva le profond respect qu’il avait su mériter par ses qualités toutes chrétiennes. Dans la grande lutte de l’égoïsme qui compose, à un haut degré, le principe de la plupart des actions de ce monde, personne ne commande si universellement le respect que ceux qui portent le fardeau de la vie sans jouir de ses bienfaits,