Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/335

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’abbé ne semblait pas satisfait de ces réponses ; ses sourcils se contractaient, et ses regards mécontents erraient sur Arnolph et les trois femmes.

— Pouvez-vous répondre de votre pénitent ? demanda-t-il subitement au prieur.

— Son âme a besoin de prières.

— Était-il entaché d’hérésie ?

Arnolph garda le silence. Une lutte violente agitait son esprit ; car s’il soupçonnait les opinions de Berchthold, il ne savait rien de sa conduite qu’un juge scrupuleux et consciencieux pût prendre pour une preuve évidente de son éloignement de l’Église.

— Vous ne répondez pas, père prieur ?

— Dieu ne m’a pas accordé le don de pénétrer dans le secret des cœurs.

— Ah ! cela devient plus clair. Révérend Boniface, que dites-vous de cette réponse ?

L’abbé détrôné de Limbourg avait d’abord écouté ce dialogue avec indifférence. Un sourire ironique avait passé sur ses lèvres lorsque Ulrike parlait ; mais, lorsque Arnolph fut questionné, ce sourire fit place à une vive curiosité de savoir la manière dont un homme si consciencieux se tirerait de ce dilemme. Interrogé à son tour, il se trouva obligé de prendre part à la conversation.

— Je ne sais que trop, prince abbé, dit-il, que l’hérésie fait de rapides progrès dans notre malheureux Palatinat ; sans cela l’abbé de Limbourg ne serait point errant et forcé de chercher un abri à Einsiedlen.

— Vous entendez, ma fille ! Le jeune homme est soupçonné d’être mort hors de l’Église.

— Si cela est vrai, plus l’erreur est grande et plus son âme a besoin de prières.

— Ce serait en vérité aider Lucifer à renverser nos tabernacles ; ce serait aussi une faiblesse indigne de notre état. Je suis fâché de refuser les prières d’une personne aussi zélée, mais nos untels ne peuvent offrir les saints sacrifices en faveur de ceux qui les méprisent. Ce jeune homme a-t-il participé à la chute de Limbourg ?

— Mon père, il mourut écrasé sous ses ruines, dit Ulrike d’une voix à peine intelligible, et nous regardons cette mort comme