Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 12, 1839.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’effroi, et l’on s’attendit généralement à quelque apparition surnaturelle. Un nuage de poussière s’éleva sur la montagne, et le comte Emich, suivi d’une troupe de serviteurs bien montés, sortit de ce nuage. Il était si ordinaire de rencontrer des processions de cette nature, que le comte n’aurait manifesté aucune surprise s’il eût ignoré le motif qui engageait la population de Duerckheim à quitter ses murailles ; mais connaissant déjà ses intentions, il descendit promptement de cheval, et s’approcha du bourgmestre, la toque à la main.

— Tu vas exorciser, digne Heinrich, dit-il, et l’amour que je porte à ma ville de Duerckheim a conduit rapidement mes pas, afin de prêter honneur et secours, s’il en est besoin, à ceux que j’aime. As-tu une place parmi tes pèlerins pour un pauvre baron et pour ses amis ?

L’offre d’Emich fut joyeusement acceptée : le courage se ranime par toute apparence de secours. Emich, quoique équipé en cavalier, fut reçu parmi ses anciens compagnons. Le délai causé par cette interruption étant terminé, la procession, ou plutôt la foule, car l’inquiétude, l’ardeur et la curiosité avaient presque rompu tout ordre, se dirigea vers la montagne.

Les ruines de Limbourg, encore noircies par la fumée, étaient entourées de silence et de solitude. À en juger sur les apparences, nul pied d’homme ne les avait foulées depuis le moment où les assaillants s’étaient précipités à travers les portes extérieures de l’abbaye, après un tumultueux triomphe dont la joie avait été arrêtée par la terrible catastrophe qui l’avait terminé, la chute des murs du couvent. Si ces premiers s’étaient avancés vers ces portes avec toute l’ardeur que donne l’attente d’un assaut furieux, ceux-ci s’avançaient lentement, troublés par la crainte de quelques visions effrayantes et surnaturelles. Des deux côtés il y eut désappointement. Le succès des assaillants sans avoir eu de résistance à repousser est connu, et la procession avança de même avec une égale impunité. Quoique plusieurs voix faillirent lorsqu’elle entra dans l’église déserte et désolée, il n’arriva rien qui pût justifier les alarmes.

Encouragés par ce calme pacifique, et désirant donner des preuves de leur supériorité sur les terreurs populaires, le comte et Heinrich commandèrent à la foule de rester dans la nef tandis qu’ils s’avanceraient vers le chœur. Ils trouvèrent à chaque pas