Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/112

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sa convenance de jeter de côté la réserve de son rang, ou lorsqu’il cédait au torrent de sensibilité qui s’échappait quelquefois de son tempérament méridional, et renversait le maintien de simple convention. Il fut présenté à Roger de Blonay et au bailli, comme la personne qui venait d’être nommée, et comme le plus ancien, le plus éprouvé des amis. Roger de Blonay le reçut avec naturel et avec chaleur, tandis que le bailli fut si singulier dans ses assurances de satisfaction et de respect, qu’il excita non-seulement l’attention, mais aussi la surprise.

— Merci, merci, bon Peterchen, dit le baron de Willading, car c’était le diminutif familier dont se servaient envers le bailli ceux qui le traitaient avec liberté ; merci, honnête Peterchen ; toutes tes politesses à Gaëtano sont autant de preuves d’affection que tu me donnes.

— J’honore tes amis comme toi-même, Herr Von Willading, répondit le bailli, car tu as des droits à l’estime de tout le Burgerschaft ; mais cet hommage rendu au signor Grimaldi lui est bien dû à lui-même. Nous ne sommes que de pauvres Suisses, qui vivons au milieu de sauvages montagnes, peu favorisés du soleil, et encore moins connus du monde mais nous avons nos manières. Un homme qui a été revêtu de l’autorité aussi longtemps que moi, serait indigne de sa place, s’il ne devinait pas, comme par instinct, ceux qu’il doit honorer. Signore, la perte de Melchior de Willading devant notre havre nous aurait rendu le lac désagréable pendant des mois, pour ne pas dire des années ; mais, si nos ondes avaient été la cause de votre mort, j’aurais prié les montagnes de tomber dans le bassin ; afin qu’elles pussent enterrer le coupable sous leurs rochers.

Melchior de Willading et le vieux Roger de Blonay rirent de bon cœur du langage hyperbolique du bailli, bien qu’il fût facile de s’apercevoir qu’Hofmeister avait cru dire de fort belles choses.

— Je vous remercie, non moins que mon ami de Willading, répondit le Génois, dont les yeux brillaient d’un rayon de gaieté ; cette réception courtoise nous surpasse, nous autres Italiens, car je doute qu’aucun de nous eût le courage de condamner une de nos mers à une punition aussi sévère pour une faute si vénielle, ou du moins si naturelle. Je vous supplie de pardonner au lac, puisque, pour mettre les choses au pis, il n’est qu’un agent secondaire dans cette affaire ; et je ne doute pas qu’il nous eût traités comme il traite tous les autres voyageurs, si nous ne nous