Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/122

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qui avaient été plantés près de la porte principale du château, sur un rebord de ces rocs qui forment la fondation des bâtiments eux-mêmes. Ce jardin était entouré d’un mur à hauteur d’appui ; son sol était artificiel ; on y voyait des allées sablées, des sièges et tous les ornements particuliers à ces antiques demeures ; mais il avait aussi, ce qui vaut mieux encore, une des plus imposantes, des plus belles vues qu’on puisse imaginer au-dessous des champs onduleux, des riches vignobles, des prairies parsemées de hameaux, un parc immense et naturel, composé de forêts d’arbres, à travers lesquels on apercevait de tout côté le toit d’un château ou le clocher d’une église. Il y a peu de magnificence dans l’architecture en Suisse, qui ne surpasse jamais de beaucoup la nôtre et souvent lui est inférieure ; mais la beauté, la tranquillité des paysages, la grande variété du terrain, les montagnes, la pureté de l’atmosphère, ajoutent aux charmes particuliers à ce pays. Vevey est situé sur le bord de l’eau, plusieurs centaines de pieds plus bas de la terrasse du château cette ville ne semblait couvrir qu’un faible espace, bien que cet espace fût en réalité fort grand, tandis que les maisons de Saint-Symphorien, Corsier, Montreux, ainsi qu’une douzaine d’autres villages, étaient réunies entre elles, comme des ruches d’abeilles appuyées contre les montagnes ; mais le charme principal était le lac de Genève. Celui qui n’a jamais contemplé le Léman dans sa furie ne pourrait concevoir la possibilité du danger dans la nappe d’eau tranquille qui s’étend, pendant l’espace de plusieurs lieues, comme un miroir liquide. Plusieurs barques étaient en vue, leurs voiles pendaient avec négligence, comme si elles avaient voulu servir de modèles à l’artiste, leurs vergues s’inclinant comme le hasard les avait posées. À ces objets plus rapprochés il faut ajouter la vue plus éloignée du Jura dans une direction, et dans une autre les frontières d’Italie, dont les limites aériennes étaient placées dans cette région qui n’appartient ni au ciel ni à la terre, et qui est le séjour de neiges éternelles. Le Rhône brillait par intervalle parmi les prairies du Valais que l’élévation du château permettait de voir ; et Adelheid essayait de découvrir, parmi ces masses de montagnes, les vallées qui conduisent à ces pays chauds, vers lesquels ils dirigeaient leurs pas.

Le baron et sa fille, en arrivant sur la terrasse ombragée, éprouvèrent une admiration muette et délicieuse. Il était évident, à leur contenance, qu’ils étaient l’un et l’autre dans une humeur