Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/124

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nos besoins d’une heure à une autre. Tu m’as dit, je crois, que ce brave Sigismond avait honnêtement déclaré qu’il ne pensait pas que je pusse donner mon consentement pour une personne qui avait si peu de naissance et de fortune ? Il y avait de l’honneur, du bon sens, de la modestie, dans cet aveu ; mais il aurait dû mieux penser de mon cœur.

— Il l’a dit, répondit Adetheid d’une voix timide et légèrement tremblante, quoiqu’il fût facile de voir, par l’expression confiante de ses yeux, qu’elle n’avait plus de secret pour son père. Il a trop d’honneur pour désirer obtenir la fille d’un noble seigneur sans l’approbation de ses parents.

— Il est tout naturel que ce jeune homme t’aime, Adelheid ; c’est une nouvelle preuve de son mérite : mais qu’il puisse douter de mon affection et de ma justice, c’est une offense que je ne puis pardonner. Que sont des ancêtres et de la fortune pour le bonheur ?

— Tu oublies, mon bon père, qu’il ignore encore que mon bonheur, sous quelques rapports, dépend du sien.

Adelheid parlait vivement et avec chaleur.

— Il sait que je suis père, et que tu es mon unique enfant. Un homme de bon sens, comme lui, aurait dû mieux comprendre mes sentiments, et ne pas douter de mon affection.

— Comme il n’a jamais été le père d’une fille unique, répondit Adelheid en souriant (car dans l’état présent de son esprit les sourires étaient faciles) il ne peut pas sentir ou prévoir tout ce que tu sens ou prévois. Il connaît les préjugés du monde, et, dans notre rang, peu de personnes ont assez de force d’âme pour les mépriser, et pour accorder une fille riche à celui qui n’a rien.

— Cet amoureux raisonne plutôt comme un vieil avare que comme un jeune soldat, et j’ai bonne envie de le punir pour lui apprendre à si mal penser de moi. N’avons-nous pas Willading et ses belles terres et nos propriétés en ville, et avons-nous besoin d’emprunter à quelqu’un comme des mendiants ? Tu as été de la conspiration, jeune fille, ou une semblable crainte n’aurait pu vous rendre malheureux un seul moment.

— Je n’ai jamais pensé, mon père, que tu le rejetterais à cause de sa pauvreté, car je sais que ce que nous avons peut suffire à tous nos besoins ; mais je craignais que celui qui ne pourrait pas faire preuve de noblesse ne fût refusé par toi.