Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/152

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— Ne lui en parlez pas, Adelheid, répondit-il avec tristesse. L’obligation de refuser ce qu’un sentiment généreux aurait pu le porter à accorder, le rendrait malheureux. Il est impossible que Melchior de Willading puisse consentir à donner sa fille unique au fils du bourreau de ce canton. Dans un autre temps, lorsque l’impression de la nuit dernière sera moins vive, votre raison approuvera aussi ce conseil.

Adelheid, dont le front pur et blanc était appuyé sur sa main, ne parut pas entendre ces paroles ; elle était revenue de l’émotion violente qu’elle avait éprouvée, et elle rêvait profondément et avec plus de calme sur le commencement de sa liaison avec Sigismond, les progrès de leur amour, et tous les petits incidents qui en étaient résultés, jusqu’aux événements plus graves qui avaient cimenté par des sentiments d’estime et d’admiration une affection indélébile.

— Si vous êtes le fils de l’homme dont nous venons de parler, pourquoi êtes-vous connu sous le nom de Steinbach, lorsque Balthazar en porte un autre ? demanda Adelheid, jalouse de saisir la plus faible lueur d’espérance.

— Mon intention était de ne vous rien cacher et de vous faire connaître toutes les particularités de ma vie, ainsi que les raisons qui ont influencé ma conduite. Dans un autre temps, lorsque nous serons plus calmes l’un et l’autre, je pourrai vous demander de m’entendre.

— Un délai est inutile, et pourrait même nuire. Il est de mon devoir d’expliquer tout à mon père, et il peut désirer savoir pourquoi vous ne paraissez pas ce que vous êtes. Ne croyez pas, Sigismond, que je blâme vos motifs ; mais la prudence des vieillards et la confiance de la jeunesse ont si peu de rapports ! J’aimerais mieux être instruite tout de suite.

Sigismond céda au doux mais triste sourire qui accompagnait cette question.

— Je n’ai aucune raison pour désirer de vous cacher le reste de ma mélancolique histoire, Adelheid. Vous êtes probablement instruite des lois de notre canton, je veux parler de ce cruel usage par lequel une famille est condamnée, je ne puis trouver un mot plus convenable, à remplir les devoirs de la charge révoltante qu’occupe mon père. Cette charge peut avoir été un privilége dans les siècles de barbarie, mais elle est devenue maintenant un impôt qu’aucun de ceux qui ont été élevés avec de meilleures es-