Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plusieurs couvents de religieux, propriétaires de vignobles considérables dans les environs de Vevey, paraissent avoir été les premiers patrons connus de ces fêtes. Lorsque ces réjouissances se pratiquaient avec simplicité, elles avaient lieu tous les ans ; mais, lorsque de plus lourdes dépenses et de plus grands préparatifs devinrent nécessaires, on ne les célébra qu’à de longs intervalles. L’abbaye décida d’abord que ces fêtes auraient lieu tous les trois ans ; puis ce laps de temps s’étendit à six années. Cette lacune offrant les moyens de faire de plus grands préparatifs, la fête y gagna en éclat, jusqu’à ce qu’elle devînt à la fin une espèce de jubilé auquel se rendaient en poste les oisifs, les curieux, et les âmes pieuses de tous les environs. La ville de Vevey profitait de cette circonstance, l’intérêt, comme cela est ordinaire, prêtant son appui pour soutenir l’usage ; et jusqu’à l’époque de la grande révolution européenne, il semblerait qu’il y eût une suite non interrompue de fêtes. Celle à laquelle nous avons si souvent fait allusion dans le cours de cette narration, était attendue depuis longtemps ; et comme on parlait depuis longtemps aussi des préparatifs, l’affluence était encore plus nombreuse qu’à l’ordinaire.

De bonne heure dans la matinée, le surlendemain de l’arrivée des voyageurs au château de Blonay, une troupe d’hommes déguisés en hallebardiers, espèces de soldats connus alors dans la plupart des cours de l’Europe, se rendit dans la grande place de Vevey, s’en empara, et posa des sentinelles, afin d’interdire la circulation ordinaire. C’étaient les préliminaires de la fête, car ce lieu était choisi pour la plupart des cérémonies du jour. Les curieux arrivèrent promptement après les gardes ; et, lorsque le soleil se fut montré au-dessus des montagnes de Fribourg, quelques milliers de spectateurs se pressaient dans toutes les avenues de la place, et de nombreux bateaux arrivaient des rivages de la Savoie, tous pliant sous le poids des paysans et de leurs familles. À l’extrémité supérieure de la place, des gradins avaient été élevés pour recevoir ceux qui étaient privilégiés par le rang, ou ceux qui pouvaient acheter le même honneur avec le medium ordinaire. De plus humbles échafaudages, pour les moins fortunés, complétaient les trois côtés d’un espace qui avait la forme d’un parallélogramme, et qui devait recevoir les principaux acteurs de la fête. Le côté de l’eau était inoccupé, quoique une forêt de vergues latines et la plate-forme des ponts suppléassent au manque de gradins. On entendait de temps en temps une