CHAPITRE XIV.
e jour n’était pas encore bien avancé que toute la grande procession
se trouva réunie sur la place. Quelques minutes après, le
son des clairons annonça l’arrivée des autorités. Le bailli marchait
en tête, bouffi de la dignité de sa place, et surveillant d’un œil
vigilant l’effet que produisait sa présence sur ses administrés,
tandis qu’il affectait la plus grande sympathie et un facile abandon
pour les folies du moment ; car Pierre Hofmeister devait sa longue
faveur dans le Burgerschaft plutôt à une surveillance exclusive
de ses intérêts, surveillance qui ne sommeillait jamais, qu’à un
talent particulier de rendre les hommes heureux. Près du digne
bailli, car, à part la résolution inébranlable de soutenir par toutes
les voies possibles l’autorité de ses maîtres, herr Hofmeister
méritait l’épithète de digne homme, venaient Roger de Blonay et
son ami le baron de Willading, marchant pari passu à côté du
représentant de Berne. On aurait pu demander si le bailli était
entièrement satisfait de cette solution de la question difficile
d’étiquette ; car il sortit de sa porte avec un mouvement lent qui
le réunit presque au signor Grimaldi, mais qui lui laissa les
moyens de choisir sa route et de jeter un regard scrutateur sur
la foule. Bien que le Génois occupât en apparence un rang secondaire,
il n’eut point à se plaindre de son lot. Presque toutes les
attentions de l’honnête Pierre lui étaient adressées, ainsi qu’une
partie de ses saillies ; car le bailli avait la réputation d’un plaisant
et d’un bel esprit : ce qui arrive souvent lorsqu’un magistrat ne
tient point son autorité de la société qu’il gouverne, et ce qui
n’arrive jamais lorsqu’elle dépend de la faveur populaire. Presque
toutes ces belles choses étaient payées de retour, le seigneur
génois répondant à ces politesses comme un homme habitué à
être l’objet d’une attention particulière, et en même temps comme