Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/179

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par la musique, avait quitté la place pour aller chercher l’abbé comme le représentant régulier de l’abbaye. Cette escorte, dont tous les personnages avaient des habits de caractère, ne fut pas longue à reparaître avec l’abbé gros et gras, propriétaire du lieu, qui, outre le costume de son état dans ces temps reculés, avait décoré son chapeau d’une plume flottante, et ses épaules d’une écharpe. Ce personnage, auquel certaines fonctions judiciaires étaient dévolues, prit un siège sur les devants du gradin, et fit signe aux officiers de continuer leurs fonctions.

Douze vendangeurs, conduits par un chef, et tous plus ou moins ornés de guirlandes de feuilles de vignes, et portant divers autres emblèmes de leur état, marchèrent en corps, chantant une chanson champêtre. Ils conduisaient deux des leurs qui avaient été jugés les plus habiles et les plus heureux dans la culture des vignes sur les côtes adjacentes. Lorsqu’ils atteignirent le milieu de l’estrade, l’abbé prononça un petit discours en l’honneur des cultivateurs en général, après quoi il s’étendit en éloges sur les candidats, deux paysans heureux, confus, et qui recevaient leur simple prix avec un cœur bien agité.

Cette cérémonie eut lieu au milieu de la joie des amis, de l’envie des rivaux, et des regards obliques et mécontents de ceux dont les sentiments étaient trop égoïstes pour prendre part aux plaisirs des autres, même dans une fête dont le but était aussi simple qu’utile. Les trompettes sonnèrent de nouveau, et l’on fit place aux arrivants.

Un corps nombreux s’avança dans un espace libre, suffisamment large et élevé, précisément en face des gradins. Lorsqu’il fut en vue de la multitude, les personnages qui le composaient se placèrent dans un ordre régulier. C’étaient les prêtres de Bacchus. Le grand prêtre marchait en avant, portant la robe des sacrifices ; il avait une barbe flottante, la tête couronnée de feuilles de vignes, et chantait des couplets en l’honneur des vignerons. Sa chanson contenait aussi quelques allusions aux candidats couronnés. Ses acolytes répétaient en chœur les refrains, quoique le chef de la bande n’eût pas besoin d’autre secours que celui des poumons que lui avait accordés la nature.

Cet hymne terminé, une musique instrumentale succéda, et les compagnons de Bacchus regagnèrent la place qui leur avait été départie. Alors la procession générale s’ébranla, tournant