Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beauté, la modestie, la vertu dans la femme, et dans le jeune homme toutes les qualités nécessaires au bonheur d’une telle fiancée.

Les Veveysans avaient fait beaucoup de perquisitions pour connaître les noms des deux personnes qui avaient été choisies pour remplir ce rôle grave et important, dans lequel il devait entrer encore plus de fidélité que dans celui de Silène lui-même ; mais les agents de l’abbaye avaient pris un si grand soin de cacher leurs démarches, que, jusqu’au moment où le mystère ne fut plus utile, le public resta dans une ignorance complète sur le nom de ceux qui avaient été choisis. Il était si commun de faire des mariages de ce genre dans des occasions de réjouissances publiques, et les mariages de convenance, comme on les appelle à juste titre, entraient à un tel point dans les habitudes de l’Europe, que l’opinion n’aurait pas été par trop scandalisée si l’on avait su que ce couple ne s’était pas vu deux fois avant de se résoudre à recevoir la bénédiction nuptiale au son des tambours et des trompettes.

Cependant il était plus ordinaire de consulter les inclinations des parties, car cela donnait plus d’intérêt à la cérémonie ; on supposait d’ailleurs que ces couples étaient dotés par les riches et les puissants, et qu’on mariait ainsi ceux que la pauvreté ou d’autres circonstances malheureuses auraient retenus dans le célibat. On parlait d’un père inexorable et qui avait cédé plutôt au désir des grands qu’à l’envie d’embellir une fête publique. De nos jours encore, avec combien d’impatience des milliers de cœurs attendent l’arrivée de quelque joyeuse cérémonie qui doit ouvrir les portes d’une prison aux détenus pour dettes ou pour délits politiques, ou celles de l’hymen à ceux qui ne possèdent pour toutes richesses que de l’affection et de la constance !

Un murmure général trahit l’intérêt des spectateurs, lorsque les principaux et réels acteurs de cette cérémonie approchèrent. Adelheid sentit ses joues s’animer, et son cœur compatissant battre d’émotion, lorsqu’elle jeta les yeux sur ce couple qu’elle supposait avoir été séparé jusqu’alors par sa mauvaise fortune, et qui bravait la curiosité publique pour recevoir la récompense de sa constance. Cette sympathie, qui avait alors quelque chose de vague, devint plus profonde lorsque Adelheid eut jeté un regard sur la future. Le maintien modeste, l’œil abattu et la respiration difficile de cette jeune fille, dont les charmes étaient