Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/200

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plus agréable, mes bons amis ont placé un toit sur nos têtes, faveur qui n’est pas prodiguée à la plupart d’entre nous, si j’en juge par l’apparence et quelques petites notions sur les différents commerces qui nous occupent. Tu as une belle occasion, Pippo, de laisser Polichinelle se reposer de ses fatigants exercices, tandis que son maître respire l’air à travers une fenêtre, pour la première fois peut-être depuis bien des jours.

Le Napolitain ne fit nulle difficulté de rire de cette saillie ; il était porté à prendre les choses du côté plaisant, quoiqu’il fût disposé à respecter les principes et les droits des autres.

— Si nous étions à Naples, avec son doux ciel et son volcan, dit-il en souriant de l’allusion, personne ne se soucierait moins d’un toit que moi.

— Tu es sans doute venu au monde sous l’arche de quelque route di Duca, dit Maso avec cette espèce d’insouciant sarcasme dont il frappait aussi souvent ses amis que ses ennemis ; tu en sortiras dans quelque hôpital, et tu passeras du char funèbre dans une des profondes cavités de ton Campo Santo, où un si bon nombre de chrétiens sont tellement confondus, que le plus sage d’entre vous aura quelque peine à distinguer ses propres membres de ceux de ses voisins, quand il entendra le son de la trompette.

— Suis-je donc un chien pour avoir un tel tort ? demanda fièrement Pippo ; et ne saurais-je pas bien reconnaître mes os de ceux d’un misérable fripon qui sera peut-être à mes côtés ?

— Nous avons déjà eu une querelle pour des animaux ; n’en ayons pas pour d’autres, reprit avec ironie Il Maledetto ; puis il ajouta avec une feinte gravité : Princes et nobles, nous sommes tous retenus ici pour le temps qu’il plaira à ceux qui gouvernent à Vevey ; le meilleur parti est de passer ces moments en bonne intelligence et aussi gaiement que notre situation le permet. Le révérend Conrad recevra tous les honneurs d’un cardinal ; un noble coursier précèdera les funérailles de Pippo, et pour ces dignes Vaudois, qui sont sans doute, dans leur genre, d’honorables citoyens, ce seront des baillis envoyés par Berne pour rendre la justice entre les quatre murs de notre palais !

— La vie n’est après tout, Signore, qu’une sérieuse mascarade ; le second de ses secrets les plus rares est de paraître aux yeux des autres tel que nous le désirons, — le premier étant sans nul doute la faculté de nous tromper nous-mêmes. À présent, que