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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/215

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— Pardon, mais ce sont les hommes qui se sont échappés de prison, après avoir frappé leur gardien, observa respectueusement l’officier.

— Comment ? Ne me disiez-vous pas qu’il n’était question que d’un chien ?

— Je parlais du motif de notre arrestation. Il est vrai que, fatigués de respirer un air pesant, et un peu échauffés par le vin, nous avons quitté la prison sans permission ; mais nous espérons que cette petite escapade nous sera pardonnée en faveur de la circonstance.

— Coquin, tes excuses aggravent la faute. Un crime commis dans une occasion extraordinaire n’est pas un crime ordinaire, et requiert un châtiment mémorable, que je veux vous infliger sur-le-champ. Vous avez insulté les autorités, c’est la faute la plus impardonnable dans toute société. Approchez plus près, mes amis ; j’aime que mes raisons soient senties et comprises par ceux qui sont l’objet de mes décisions, et c’est un moment favorable pour donner une bonne leçon aux Veveysans. Que les mariés attendent. Approchez tous, afin de mieux entendre ce que j’ai à vous dire.

Le peuple se pressa étroitement au pied de l’amphithéâtre et Peter, prenant un air imposant, continua son discours.

— Le principal soin de toute autorité est de trouver les moyens de se soutenir et d’être respectée ; si elle n’y parvient pas, elle doit succomber, et vous êtes assez instruits pour savoir que, lorsqu’une chose devient de peu de valeur, elle perd la plus grande partie de sa considération. Ainsi un gouvernement est établi dans le but de se protéger lui-même, puisqu’il ne peut subsister autrement, et qu’il n’existe pas un seul homme qui ne soit prêt à avouer qu’il vaut mieux encore avoir un mauvais gouvernement que de ne pas en avoir du tout. Mais le nôtre en particulier est excellent ; son plus grand soin est de se faire respecter toujours, dans toutes les circonstances, et celui qui se respecte est sûr d’obtenir l’estime des autres. Sans cet appui protecteur, nous serions semblables au coursier sans frein ; nous deviendrions les victimes de l’anarchie et du désordre et nous tomberions dans les plus déplorables hérésies religieuses. Vous voyez mes amis, qu’il faut choisir entre le gouvernement de Berne ou l’absence de toute autorité : car, lorsqu’il n’existe que deux choses, et qu’on en ôte une, le nombre se trouve réduit de