Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les profondeurs de l’arrière-plan. Les cèdres et les mélèzes diminuèrent graduellement en nombre et en hauteur, et le dernier s’offrit enfin sous l’aspect d’une touffe d’un vert pâle, qui, fixée dans la crevasse d’un rocher, ressemblait beaucoup à de la mousse. L’herbe même pour laquelle la Suisse est célèbre à si juste titre, devenait maigre et effilée sur la montagne ; et quand les voyageurs furent parvenus au bassin circulaire qui se trouve au pied de la pointe du Vélan, et qui se nomme la plaine de Prou, il ne restait plus, dans la saison la plus féconde de l’année, et seulement dans quelques terrains épars au milieu des rochers, que la nourriture suffisante pour un petit troupeau de chèvres errantes et à demi affamées.

La plaine dont nous venons de parler s’étend au milieu de hauts créneaux, et se trouve presque entourée de roches nues et escarpées. Le sentier qui circule au centre, en suivant un plan incliné, disparaît à travers une gorge étroite, et se perd dans le sommet blanchâtre d’une colline. Pierre désigna ce dernier passage comme le plus périlleux de ce côté du Col, à l’époque de la fonte des neiges, par la chute des avalanches qui se détachent des rochers. Mais il n’y avait aucun motif de redouter ce danger ; si connu dans les Alpes, rien de ce qui les entourait ou les dominait n’offrant, à l’exception du mont Vélan, que l’aspect d’une affreuse stérilité. L’imagination ne concevrait pas aisément une peinture plus éloquente d’une nature désolée que celle qui frappa les regards des voyageurs quand ils arrivèrent au centre de cette vallée inhospitalière, guidés par le filet d’eau qui circulait au travers, et qui leur offrait une indication certaine de la direction générale de leur course.

C’était l’heure du crépuscule ; mais la sombre teinte des rochers, sillonnés par la main du temps, portant l’empreinte de son sceau vénérable, et la profondeur du vallon, répandaient sur tous les objets un caractère plus mélancolique que l’obscurité de l’autre côté, la lumière se reposait encore, brillante et glorieuse sur la pointe neigeuse du Vélan, toujours à quelques milliers de pieds au-dessus de leurs têtes, quoique dans la plaine, en apparence assez peu éloignée, de riches touches du soleil couchant éclairassent plusieurs des sombres remparts que les Alpes ont reçus de la nature, et qui, noircis par les tempêtes qu’ils bravent, en couronnent le sommet. La voûte azurée qui les dominait offrait l’image de cette gloire éloignée, de ce repos profond quittant de