Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/275

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juré qu’il n’y avait personne dans le Col qui suivit la même direction que nous. Tous les autres doivent être arrivés depuis longtemps.

— Ce sont sûrement des villageois de Saint-Pierre, qui portent des provisions, observa un des muletiers. Personne n’a traversé Liddes dans l’intention de se rendre en Italie, depuis la bande de Pippo, et certainement ils sont à présent bien tranquilles dans l’hospice. N’avez-vous pas vu un chien avec eux ? Ce pourrait être un de ceux des religieux.

— C’est le chien que j’ai remarqué, c’est sa tournure qui m’a porté à vous questionner, reprit le baron ; cet animal a l’air d’une ancienne connaissance. Gaëtano, il me paraît ressembler à notre ami Neptune, et celui qu’il suit de si près a beaucoup de rapports avec notre compagnon du Léman, le courageux et actif Maso.

— Qui est parti sans récompense pour un service si éminent ! répondit le Génois d’un air pensif ; le refus étrange de cet homme de rien accepter est aussi étonnant que les autres parties de sa conduite, si inusitée, si inexplicable. Je voudrais qu’il fût moins obstiné ou moins orgueilleux ; car cette obligation qui n’est pas acquittée, reste comme un poids sur ma pensée.

— Tu as tort. J’avais chargé notre ami Sigismond de remplir secrètement ce devoir, tandis que nous recevions les prévenances de Roger de Blonay et du bon bailli ; mais ton compatriote traita l’affaire légèrement, comme un marin considère d’ordinaire le danger passé, et il ne voulut écouter aucune offre, ni de protection ni de récompense. J’ai été plus mécontent que surpris de ce que tu nommes très-bien son obstination.

— Dites à ceux qui vous envoient, m’a-t-il dit, ajouta Sigismond, qu’ils peuvent remercier les saints, Notre-Dame, ou le frère Luther, selon que cela s’accorde mieux avec leurs habitudes, mais qu’ils n’ont rien de mieux à faire que d’oublier qu’il y a au monde un homme qui s’appelle Maso ; le connaître ne peut être pour eux ni un honneur, ni un avantage. Dites cela, spécialement de ma part, au signor Grimaldi, quand vous serez partis pour l’Italie et que nous serons séparés pour toujours. Ce sont là les propres paroles de ce brave garçon, dans l’entrevue que j’ai eue avec lui après qu’il eut obtenu sa liberté.

— La réponse est remarquable dans un homme de sa condition, et ce message, spécial pour moi, me paraît étrange. J’ai observé durant la traversée que ses regards étaient souvent fixés