Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— À quelle distance sommes-nous encore du couvent ? demanda-t-il vivement.

— Il nous reste plus d’une lieue, monsieur le capitaine, par un sentier difficile et escarpé, répondit Pierre désolé, et d’un ton qui en disait peut-être plus que ses paroles.

— Ce n’est pas ici le moment d’hésiter. Souvenez-vous que vous n’êtes pas ici le conducteur d’une bande de voituriers avec leur bagage ; ceux qui nous suivent ne sont pas accoutumés à supporter les injures du temps, et quelques-uns sont d’une faible santé. Quelle est la distance du dernier hameau que nous avons traversé ?

— Le double de celle du couvent !

Sigismond se retourna, ses yeux se levèrent en silence sur les deux vieillards, comme pour demander leurs ordres, ou leurs avis.

— Il serait peut-être mieux de retourner sur ses pas, observa le signor Grimaldi, avec l’accent d’un homme qui exprime une résolution à demi formée. Ce vent est sur le point de devenir cruellement piquant, la nuit sera pénible. Qu’en penses-tu, Melchior ? car pour moi, je suis, avec M. Sigismond, persuadé que nous n’avons pas de temps à perdre.

— Pardonnez-moi, Signore, interrompit le guide en toute hâte. Je n’entreprendrais pas de traverser dans une heure la plaine du Vélan, pour tous les trésors d’Ensiedlen et de Loretto ! Les vents une fois engouffrés dans ce vallon s’y déchaînent avec furie, tout y sera bientôt bouleversé. Ici nous aurons, du moins de temps en temps, l’abri des rochers. La plus légère erreur dans ce terrain découvert peut nous égarer d’une lieue et plus, et il faudrait une heure pour regagner la route. Les animaux aussi montent beaucoup plus vite qu’ils ne descendent, et avec bien moins de dangers, surtout la nuit ; puis le village ne possède rien qui soit convenable pour des gentilshommes, tandis que les bons moines ont tout ce qu’un roi pourrait désirer.

— Ceux qui sortent de ces lieux sauvages, honnête Pierre, n’ont point envie de critiquer la nourriture qu’on leur offre ; ils se contentent d’un abri. Peux-tu répondre que nous arriverons au couvent sains et saufs, et dans un espace de temps raisonnable ?

— Nous sommes dans les mains de Dieu, Signore ; je ne doute pas que les pieux Augustins ne soient dans ce moment en prières pour tous ceux qui sont sur la montagne ; mais nous n’avons pas