Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/348

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ment sa vie dans le couvent, parce que la nature lui a donné une robe différente de celle des chiens du Saint-Bernard, et que son instinct lui a donné une mauvaise renommée parmi eux.

— Ta réponse est en rapport avec ton caractère. On dit que tu as plus d’esprit que d’honnêteté, et l’on te peint comme un homme capable de former une résolution désespérée et de l’exécuter au besoin.

— Je suis comme le ciel m’a fait naître, signor castellano, et comme m’ont fait les chances d’une vie fort occupée qui ont achevé son ouvrage. J’ai de la bravoure dans l’occasion, et peut-être ces nobles voyageurs témoigneront en faveur de l’activité que j’ai montrée pendant notre dernier voyage.

Quoique ces paroles fussent, dites négligemment, cet appel à la reconnaissance de ceux auxquels il avait rendu un si grand service était trop direct pour n’être pas entendu. Melchior de Willading, le pieux quêteur et le signor Grimaldi, témoignèrent en faveur du prisonnier, reconnaissant avec franchise que, sans son adresse et son sang-froid, le Winkelried aurait été inévitablement perdu. Sigismond ne fut pas satisfait d’un si froid témoignage ; il devait non-seulement la vie de son père et la sienne au courage de Maso, mais celle d’une personne qui lui était plus chère encore. Ce dernier service semblait a sa jeune imagination devoir l’absoudre même d’un crime, et sa reconnaissance était proportionnée à son amour.

— J’attesterai plus vivement encore ton mérite, Maso, devant ce tribunal ou tout autre, dit-il en saisissant fortement la main de l’Italien. Un homme qui a montré tant de bravoure et tant d’amour pour ses semblables n’est point fait pour commettre un lâche assassinat. Tu peux compter sur mon témoignage en toute occasion. Si tu es coupable de ce crime, qui peut espérer d’être innocent ?

Maso rendit avec force à Sigismond ce serrement de main amical. Ses regards prouvèrent qu’il n’était pas dépourvu de sympathies, quoique l’éducation et ses habitudes les eussent détournées de leur véritable direction. En dépit de ses efforts pour réprimer sa faiblesse, une larme jaillit de ses yeux, et coula sur sa joue brûlée par le soleil, comme un ruisseau solitaire à travers une ruine déserte.

— Voilà la franchise qui convient à un soldat, Signore, dit-il et je reçois ce témoignage comme une preuve de bonté et d’affec-