Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/37

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s’inquiéter pour moi. Je suis prêt à faire des choses beaucoup plus difficiles pour obliger ce généreux seigneur.

— N’en parlons plus. — Voudriez-vous, Signore, avoir la bonté de jeter un coup d’œil sur cette feuille ?

Le Génois remit alors à l’officier un papier qu’il n’avait pas encore montré : celui-ci lut d’abord attentivement, mais quand il fut arrivé à la moitié, il leva les yeux, et considéra avec une respectueuse attention les traits de l’Italien ; la lecture terminée, il se découvrit, s’inclina profondément, et laissa le passage libre aux étrangers, en disant :

— Il n’y aurait pas eu le moindre délai si j’avais su plus tôt ce que je viens d’apprendre ; j’espère que Votre Excellence voudra bien me pardonner ; j’ignorais…

— Pas un mot sur cela, mon ami, vous avez agi comme vous le deviez ; recevez, je vous prie, ce léger gage de mon estime.

Le Génois laissa tomber un sequin dans la main de l’officier en le quittant pour s’avancer vers le lac. Cette seconde offrande fut mieux accueillie que la première, car la répugnance du Génevois à recevoir quelques pièces d’or lui était plutôt inspirée par la crainte de blesser son devoir que par une aversion particulière pour ce métal.

Le baron de Willading n’avait pas vu sans surprise le succès inattendu de son ami ; mais il était à la fois trop prudent et trop poli pour laisser pénétrer l’étonnement qu’il éprouvait.

Rien ne s’opposant plus au départ du Winkelried, Baptiste et tout l’équipage s’occupèrent à déployer les voiles et à lâcher les câbles. Le mouvement de la barque fut d’abord très-lent, le vent étant intercepté par les monuments de la ville ; mais, à mesure qu’elle s’éloigna de la côte, les voiles commencèrent à s’enfler, et se gonflèrent bientôt avec un bruit semblable à l’explosion d’une arme à feu. Dès ce moment, le Winkelried glissa sur les flots avec une rapidité qui consola les voyageurs de la longue attente qui avait presque épuisé leur patience.

Dès qu’on fut embarqué, Adelheid apprit ce qui venait de se passer. Depuis longtemps elle connaissait, par les récits de son père, le nom et l’histoire du signer Grimaldi, de ce noble Génois, l’ami dévoué, le compagnon inséparable de Melchior de Willading, quand celui-ci suivait en Italie la carrière des armes. Tout ce qui était relatif à leur liaison avait pour Adelheid une couleur historique, et précédait de beaucoup sa naissance et même le