Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/44

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étaient réunies au milieu de la barque. Les inconvénients personnels et immédiats ne s’étendirent pas plus loin ; mais la faute qu’un inexcusable amour du gain avait fait commettre à Baptiste avait un autre résultat plus fâcheux, celui de ralentir la marche du bâtiment, et de l’empêcher d’arriver au port avant la chute de la brise.

Le lac de Genève s’étend du sud-ouest au nord-est, sous la forme d’un croissant : ses rives septentrionales, situées sur le territoire helvétique, et surtout celles qui sont appelées, dans le langage du pays, côte ou pente cultivée, sont couvertes, à peu d’exceptions près, de vignobles renommés. Suivant la tradition la plus reculée, on y voit aussi plusieurs vestiges de colonies romaines ; la confusion, ainsi que le mélange d’intérêts divers qui succéda à la chute de l’empire, y fit élever, dans le moyen âge, un grand nombre de castels, de monastères et de forteresses, qui subsistent encore sur les bords de cette belle nappe d’eau ou qui embellissent les éminences qui l’entourent. À l’époque dont je parle, la côte du Léman, si une telle expression peut s’appliquer aux rives d’un lac, était possédée par les trois États de Genève, de Savoie et de Berne : le premier avait seulement une portion de terrain à l’ouest, ou la pointe la plus basse du croissant ; le second occupait presque tout le côté nord, ou la cavité de la demi-lune ; et le dernier possédait toute la partie convexe et la pointe qui s’étend à l’orient. On aperçoit, sur les rives helvétiques, les pointes avancées des Hautes-Alpes, et au milieu d’elles le Mont Blanc, qui s’élève majestueusement comme un souverain entouré d’une cour brillante ; souvent aussi des rochers s’élancent hors de l’eau en masses perpendiculaires. Aucun des lacs de cette remarquable contrée n’offre des paysages plus variés que celui de Genève, qui change le riant aspect des riches et fertiles plaines qui se déploient dans sa partie intérieure contre les beautés sévères de la nature sauvage et sublime de ses parties les plus élevées. Le port de Vévey, destination du Winkelried, est à trois lieues du sommet du lac, point où le Rhône se mêle aux eaux azurées du Léman ; il en sort bientôt, traverse Genève, et dirige sa course impétueuse vers la Méditerranée, à travers les riches campagnes de la France.

Tous ceux qui ont navigué sur des lacs, situés au milieu de hautes et inégales montagnes, savent que les vents y sont encore plus inconstants que partout ailleurs. C’est là ce qui inquiétait le