Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/60

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CHAPITRE V.


Quelle basse flatterie se peint dans ses regards !
Shakspeare. Le Marchand de Venise.



Le déplacement du théâtre de Pippo avait laissé les passagers, placés près de la poupe, paisibles possesseurs de cette partie du bâtiment. Baptiste et ses bateliers dormaient encore au milieu des malles ; Maso continuait à se promener sur sa plate-forme, au-dessus de leurs têtes, et le pacifique étranger, dont l’embarquement avait inspiré à Pippo tant de bons mots, était assis à l’écart en silence, observant furtivement ce qui se passait, et ne quittant pas la place qu’il avait occupée le reste de la journée. À ces exceptions près, tous les autres voyageurs entouraient le charlatan ; peut-être avons-nous eu tort de classer les deux voyageurs dont nous venons de parler dans les rangs vulgaires, car il se trouvait entre eux et leurs compagnons une différence assez fortement prononcée. L’extérieur et les avantages personnels du voyageur inconnu qui s’était soustrait si rapidement aux attaques du Napolitain, le mettaient fort au-dessus des passagers qui n’étaient pas dans les rangs de la noblesse, sans en excepter le riche fermier Nicklaus ; sa contenance décente inspirait plus de respect qu’il n’était ordinaire d’en accorder alors à un homme obscur ; la sérénité de son visage annonçait l’habitude de réfléchir sur ses impressions et de les maîtriser ; et sa constante déférence envers les autres achevait de prévenir en sa faveur. Au milieu du bruit et de la joie tumultueuse qui régnait autour de lui, ses manières modestes et réservées avaient attiré l’attention du baron et de ses amis ; ce contraste, si facile à remarquer, avait dû amener une communication plus franche entre ces gentilshommes et celui qui, sans être leur égal aux yeux du monde, était fort supérieur à ceux au milieu desquels l’avaient jeté accidentellement les hasards du voyage. Les sensations de Maso étaient différentes ; il se trouvait probablement peu d’affinité entre lui et l’Être silencieux et concentré que ses pieds touchaient