Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 13, 1839.djvu/90

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de maintenir une flamme quelconque pendant que la barque était agitée d’une manière aussi violente, et les opinions divisées des passagers. Les catholiques se rappelèrent le pays et l’influence de Maso, et le prièrent, pour l’amour de Dieu, de venir donner du poids à leur demande. Mais le marin était occupé sur le gaillard d’avant, jetant à l’eau toutes les ancres les unes après les autres, aidé passivement par les matelots de la barque, qui s’étonnaient d’une précaution si inutile, puisque aucune corde ne pouvait atteindre le fond, mais sans oser refuser de lui obéir. Quelqu’un parlait alors de la malédiction qui avait été jeté sur le vaisseau en conséquence de, l’intention qu’avait eue Baptiste de prendre le bourreau à son bord. Baptiste, en proie à une nouvelle frayeur, sentit son sang se glacer dans ses veines.

— Croyez-vous réellement que cela soit la cause de nos malheurs ? demanda-t-il d’une voix tremblante.

Toute distinction de croyance était perdue dans la frayeur générale. Maintenant que le Westphalien avait disparu, il n’y avait pas un homme parmi cette foule qui doutât que ce voyage ne fut maudit. Baptiste tressaillit, balbutia quelques paroles incohérentes et, dans l’espèce de folie dont il était saisi, son dangereux secret lui échappa.

La nouvelle que Balthazar était sur la barque produisit un silence profond et solennel. Ce fait fournit à ces esprits ignorants une preuve aussi concluante de la cause du danger, que la plus heureuse démonstration à un habile mathématicien. Une nouvelle lumière les éclaira, et à ce calme de mauvais augure succéda une demande générale de connaître quel était le bourreau. Baptiste, influencé en partie par une terreur superstitieuse, et en partie par la faiblesse de son caractère, montra de loin Balthazar ; et, après s’être substitué cette nouvelle victime à la rage populaire, il profita de cette occasion pour se retirer de la foule.

Lorsque Balthazar fut poussé de main en main jusqu’au milieu du groupe superstitieux et féroce, l’importance de cette découverte produisit une nouvelle pause silencieuse, ressemblant au calme perfide qui avait si longtemps régné sur le lac, et qui avait été le précurseur d’une violente explosion. On parla peu, car le moment était trop dangereux pour donner carrière aux sentiments vulgaires ; mais Conrad, Pippo et un ou deux autres élevèrent silencieusement Balthazar dans leurs bras, et le portèrent vers un des bords de la barque.