CHAPITRE VII.
l est nécessaire de retourner un peu en arrière afin de pouvoir
lier entre eux les événements. La nuit était descendue graduellement.
Tandis que le lac était paisible, il régnait un calme
si profond, que les sons partis d’un port éloigné, tels que la chute
pesante d’une rame ou l’éclat de rire d’un marinier, s’entendaient
sur le Winkelried, apportant avec eux un sentiment de calme et de
sécurité. Les nuages s’amoncelèrent et le vent souffla, au moment
où la barque glissa le long des Alpes qui descendent de ce côté
jusque dans le bassin du Léman. L’obscurité augmentant, le sens
de la vue devenait inutile pour ceux qui ne savaient pas étudier
dans la sombre voûte des cieux les signes d’une tempête qui n’était
point éloignée ; le sens de l’ouïe était devenu plus actif, et il
avait puissamment contribué à éveiller les vagues appréhensions
des passagers. Le bruit du vent, qui ne souffla d’abord que par
intervalle, acquit bientôt cette force et cette solennité qui feraient
croire à l’approche d’escadrons aériens, allusion à laquelle
nous sommes souvent forcés d’avoir recours. Dans la profonde
tranquillité de toute la nature, il ressemblait aussi aux mugissements
du ressac sur les bords de la mer. La surface du lac se brisa
ensuite, et ce fut ce signe infaillible d’un coup de vent qui assura
Maso qu’il n’y avait pas de temps à perdre. Ce mouvement de
l’onde pendant le calme est un phénomène ordinaire sur les eaux
qui sont entourées de caps irréguliers et élevés, et c’est une
preuve certaine que le vent règne déjà sur une partie peu éloignée.
Cela arrive fréquemment aussi sur l’Océan, où le marin
trouve souvent une mer houleuse, recevant dans une direction
les effets d’une tempête éloignée, tandis que la brise vient d’un
côté opposé. Ce bruit avait été suivi d’un frémissement sur la
surface du lac, semblable aux vagues circulaires que produit une