Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/115

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La proposition était si plausible, qu’il n’y avait pas moyen de s’y refuser. Réprimant ma curiosité, autant qu’il m’était possible de le faire, je sonnai, et, après être rentré dans ma chambre pour y reprendre la partie de mon costume qu’exigeait la demi-civilisation de l’homme, je donnai les ordres nécessaires aux domestiques, que je laissai ainsi rester sous l’influence de ces préjugés vulgaires que les hommes nourrissent presque partout contre la famille des Monikins.

Avant toutefois de me séparer de mon nouvel ami, le docteur Reasono, je le pris à part pour l’informer que j’avais dans l’hôtel une connaissance, philosophe singulier, du moins à la manière humaine, ainsi que grand voyageur, et que je lui demandais la permission de l’initier au secret de notre conférence sur l’économie monikine, et de l’amener avec moi comme auditeur. Le n° 22,817, couleur brun de savant, ou docteur Reasono, accéda cordialement à ma demande, en insinuant toutefois avec délicatesse qu’il espérait que son nouvel auditeur, lequel n’était autre que le capitaine Noé Poke, ne croirait pas compromettre sa dignité d’homme en ménageant la susceptibilité des dames par l’adoption du costume que nous fournit le respectable tailleur qu’on appelle la Nature. Je me hâtai d’accepter, et nous nous retirâmes chacun de notre côté après un salut mutuel de tête et de queue, nous promettant réciproquement d’être exacts au rendez-vous.





CHAPITRE X.


Grande négociation dans laquelle la subtilité humaine est tout à fait confondue, et qui fait voir que l’habileté humaine n’a qu’un mérite véritablement subalterne.



M. Poke écouta avec le plus grand sang-froid le récit que je lui fis de ce qui s’était passé. Il m’apprit qu’il avait trouvé autant d’intelligence chez les veaux marins, et qu’il avait connu tant de