Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/134

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ment des cartes raisonnées, décrivant cette partie de notre organisation, d’après lesquelles on prétend saisir la longueur, la largeur, aussi bien que les limites de toutes les qualités morales.

— Vous avez fait un excellent usage de vos matériaux, tels que vous les aviez à votre disposition, et je ne crains pas de dire que la carte en question, tout bien considéré, est un progrès fort remarquable. Mais la complication et l’obscurité de cette carte morale elle-même, dont je vois un exemplaire suspendu au-dessus de votre cheminée, témoignent assez de la confusion qui règne encore dans l’intelligence humaine. Maintenant jetez les yeux sur nous, et vous reconnaîtrez qu’il en est tout autrement. Combien n’est-il pas plus aisé, par exemple, de prendre une aune et d’arriver par le simple mesurage d’une queue à une conclusion claire, évidente, à l’abri de toute controverse, relativement à l’étendue de l’intelligence de l’individu, que d’employer le procédé compliqué, contradictoire, ambigu et controversable auquel vous êtes réduits ! Ce fait seul suffirait pour prouver surabondamment que la condition morale de la race monikine est plus élevée que celle de l’homme.

— Docteur Reasono, dois-je conclure de là que la famille des Monikins soutient sérieusement une proposition aussi extravagante que celle-ci : un singe est une créature plus intelligente et plus civilisée que l’homme ?

— Très-sérieusement, mon cher sir John. — Au contraire, vous êtes la première personne respectable chez qui j’ai trouvé quelque disposition à douter de ce point. Il est bien connu que les deux espèces appartiennent à la classe des animaux perfectibles, et que les singes, ainsi qu’il vous plaît de les appeler, étaient autrefois des hommes avec leurs passions, leurs faiblesses, leurs inconséquences, leurs sectes de philosophie, leur morale dépravée, leur fragilité, leur grossièreté et leur asservissement à la matière ; qu’ils ont passé à l’état monikin par degrés, et qu’un grand nombre d’entre eux s’évaporent continuellement vers le monde immatériel, complètement spiritualisés, et délivrés de l’écume de la chair. Je ne comprends pas ce que l’on appelle mort ; car ce n’est qu’un dépôt provisoire de matières, qui doivent reparaître sous un nouvel aspect, en se rapprochant davantage de ces grands résultats (soit pour les classes progressives, soit pour les classes rétrogrades), de ces mutations finales, qui